Les influenceurs virtuels, l’avenir du marketing d’influence?

Les influenceurs virtuels, l’avenir du marketing d’influence?

Influenceurs. « Je suis désolée, je ne suis pas un être humain ». Ils sont suivis pas des milliers d’abonnés, ont une vie toute tracée mais n’ont jamais pu la choisir. Ils ont aussi de nombreuses convictions, qui ne sont pas les mêmes selon leurs profils. La majorité d’entre eux ont été créés pour une seule raison: la publicité.

Ils s’appellent Lil Miquela, Noonoouri ou encore Bermudaisbae. Depuis 2016, ils ont investi les réseaux sociaux. Contrairement aux autres créateurs de contenu, leur vie et leur apparence ont été créées de toute pièce. On les appelle les influenceurs virtuels. Qui sont-ils? Pourquoi ont-ils été confectionnés? Quels sont leurs objectifs? La rédaction de Les Gens d’Internet s’est penchée sur le sujet pour vous réaliser un tour d’horizon de ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur.

SOMMAIRE

1> Des influenceurs irréels remplis de convictions 
2> Un intérêt pour les marques mais aussi pour le grand public
3> Pourquoi sont-ils autant suivis ?
4> De véritables concurrents pour les autres influenceurs ?

Des influenceurs irréels remplis de convictions

Tout le monde n’a pas forcément la même définition pour ce nouveau phénomène. « Un influenceur virtuel est un personnage fictionnel qui n’a pas d’existence réel mais qui est pourtant présent sur les réseaux sociaux, d’Instagram à Youtube, nous précise Stéphane Maguet, Directeur de l’Innovation chez We Are Social.  Les influenceurs virtuels, à l’instar de Lil Miquela la plus célèbre d’entre eux, nous racontent des histoires et se racontent. » Si chez We Are Social, l’influenceur virtuel peut être considéré comme une personne à part entière, certains nous rappellent qu’ils sont le fruit de machine.

Pour l’écrivain Rob Horning, c’est « une figure d’un futur idéalisé où la différence humaine est résolue non pas par la lutte politique mais par un processus de calcul automatisé de la moyenne et de morphing…. une expression visuelle d’un sublime algorithme ». Quoiqu’il en soit, ils sont suivis par des milliers de personnes. Et la plus célèbre d’entre eux se nomme Lil Miquela.

C’est la première de sa génération à avoir fait son apparition sur Instagram en 2016. Âgée de 19 ans, elle est l’oeuvre d’une start-up californienne qui s’appelle « Brud ». Cette jeune société s’occupe « des talents artificiellement intelligents ». C’est aussi cette dernière qui est à l’origine du couple d’influencer Blawko22 et BermudaisBae qui se montrent souvent en compagnie de Lil Miquela et inversement. Ce personnage virtuel n’est pas vide de sens. Lil Miquela a par exemple « revendiqué son soutien au mouvement afro-américain Black Lives Matter », détaille Claire Savary co-fondatrice de l’agence de tendances Instinct à l’Express Styles.

Quelques temps après, en novembre 2017, c’est Shudu Gram qui débarque sur le réseau social. La mannequin de couleur noire est considérée comme la « première top-modèle numérique du monde ». Elle a été pensée par le photographe Cameron-James Wilson. Ce dernier l’a imaginée en s’inspirant de la poupée Barbie princesse d’Afrique du Sud. En l’espace de quelques mois sur Instagram, elle s’est fait connaître grâce à Rihanna et a intégré le clan de tops modèles virtuelles créées par la marque Balmain. C’est aussi Cameron-James Wilson qui est derrière les deux autres mannequins virtuels que composent la Balmain Army, dont fait partie Shudu Gram.

Plus récemment, c’est une influenceuse virtuelle française qui est née. C’est la première mannequin non humain made in France. C’est à l’occasion du Paris School of Luxury en décembre 2018 que l’agence Wands a fait les présentations. « Gaïa est une  parisienne de 19 ans passionnée par la mode, la beauté, l’innovation et le luxe, détaille Julia Raub, chargée de communication et Account Manager chez Wands. Elle transporte sa communauté dans un monde de rêve et d’espoir en photographiant ses rêves et ceux des autres ». La jeune femme a été pensée par les élèves de l’école Paris School of Luxury mais pas dans le but de simplement partager des photos sur Instagram. « Elle compte bien défendre les causes qui lui tiennent à cœur, un monde éco-responsable et tolérant », ajoute Julie Raub.

Un intérêt pour les marques mais aussi pour le grand public

Penser à des influenceurs virtuels, c’est marrant mais à quoi servent-ils? Les parents de ces nouveaux créateurs de contenu les ont pensés de A à Z pour qu’ils partagent et véhiculent une certaine image. Leur but premier est d’attirer des marques pour leur proposer une nouvelle façon de communiquer. Comme le secteur est toujours en quête de nouveautés, ça fonctionne. Pour Cameron-James Wilson, Shudu Gram compte « collaborer avec des designers en devenir, issus des économies émergentes et des pays sous-représentés. Elle se met ainsi en scène vêtue de pièces griffées de plusieurs de ses marques fétiches encore méconnues ». C’est de cette manière que ce mannequin a été choisie par Rihanna pour porter l’un de ses rouges à lèvres Fenty Beauty.

D’autres influenceuses comme Noonoouri, née en février 2018, se sont fait connaître via une opération sur le compte Instagram d’une marque. Cette dernière a pu prendre les manettes du profil de la marque Dior pendant le défilé croisière 2019. Depuis quelques années, les marques semblent avoir un attrait particulier pour ces ambassadeurs d’un nouveau genre. En janvier 2016, Louis Vuitton a été la première maison de haute couture à s’offrir les services d’une égérie virtuelle. Cette muse 2.0 a directement été choisie par Nicolas Ghesquière pour incarner la nouvelle campagne de leur sac, le malletier.

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Plus récemment, c’est l’enseigne de fast food KFC qui a imaginé son propre influenceur virtuel. Cet homme tatoué avec une barbe parfaitement taillée est la reproduction façon 21e siècle du fondateur de la marque, Harland David Sanders ou surnommé Capitaine Sanders. Aussitôt créé, cet ambassadeur a déjà pu nouer des partenariats avec différentes marques comme TurboTax ou encore Old Spice. Le compte Instagram de KFC ne montre d’ailleurs plus que lui sur toutes les photos.

Pour ce nouveau phénomène, l’intérêt des marques est grandissant. Le secteur de la publicité croit dur comme fer à l’avenir avec ces nouveaux influenceurs. En janvier 2019, TechCrunch rapporte que les créateurs de Lil Miquela ont levé 125 millions de dollars avec leur société « Brud ». L’investisseur principal est Spark Capital, à l’origine du succès des plateformes comme Twitter ou encore Slack.

Mais le secteur de la publicité encourage les différents acteurs à développer leurs influenceurs virtuels, le grand public est aussi très demandeur. Sur Instagram, les profils de ces créateurs de contenu dépassent aisément la centaine de milliers d’abonnés, voire le million.

S’ils sont suivis par autant de personnes, ça n’est pas pour leurs talents publicitaires. Selon une étude britannique de la société Mindshare, les utilisateurs des réseaux sociaux sont familiers avec ce qui n’est pas réel. Ils savent pertinemment que sur Instagram, la majorité des posts ne reflète pas la réalité. Tout est scénarisé et photoshopé à outrance. Alors pourquoi ne pas suivre un compte qui est faux de A à Z? De cette manière, 54% des sondés trouvent attrayant ce type de profils. Les autres influenceurs ont peut-être du souci à se faire…

De véritables concurrents pour les autres influenceurs?

Si les marques se tournent de plus en plus vers ces influenceurs, les autres plus humains devraient-ils s’en méfier? Pour Stéphane Maguet, les deux ne sont pas si différents que ça. « Il y a au contraire (et c’est assez intéressant) une certaine convergence entre les influenceurs réels et les influenceurs virtuels. Tandis que les influenceurs virtuels ressemblent de plus en plus à des humains, les influenceurs réels ressemblent quant à eux de plus en plus à des avatars (normalisation par les filtres, volonté de ressembler à un filtre ou une icône…). » L’influenceur virtuel a tout de même quelques points qui le différencie de ses collègues humains. Lorsqu’il travaille avec une marque, son comportement est prévisible. Tout est écrit à l’avance. Pour les autres, ils ont cette liberté de communiquer à leur façon. Mais attention, il n’est pas pour autant possible de leur faire dire n’importe quoi. Leur collaboration doit coller avec leurs convictions, ce qui les rapproche une nouvelle fois de leurs collègues humains.

Ce n’est pas pour autant que les enseignes vont se tourner plus d’un côté que de l’autre. Tout va dépendre de la communication choisie et de la communauté à cibler. Le réel et le virtuel ont tendance en ce moment à s’estomper. Aux derniers Bafta, Shudu Gram côtoyait les plus grandes stars. Plus récemment, Lil Miquela a participé à une campagne publicitaire pour Calvin Klein aux côtés de la mannequin Bella Hadid. Mais cette fois-ci, le mélange entre le faux et le vrai n’a pas plu à de nombreux internautes n’ayant pas apprécié le langoureux baiser que les deux femmes se sont échangées.

De nouveaux métiers sont d’ailleurs en train de se développer pour créer l’histoire entière de ces avatars. « Cela requiert des notions de psychologie, de linguistique, de neurosciences et même de sciences humaines », explique à L’ADN Stéphane Maguet. Chez SoftBank, l’intitulé de post « designer comportemental » est par exemple dédié à ces nouveaux types de profils.

Mais si en Europe, on semble étonner de voir se développer ces nouvelles personnalités virtuelles, en Asie, elles sont déjà bien nombreuses. Et depuis bien des années. Les Vocaloids sont des chanteurs virtuels, créés via un logiciel de synthèse bien spécifique. Ils ont été développés par la société Yamaha Corporation. Depuis 2011, IA est devenue une super star qui se produit sus scène à guichet fermé. Comme pour les autres influenceurs virtuels, elle a sa propre histoire. « C’est une réparatrice de rêves. Elle est née de la fusion des esprits de la planète Aria, dans la constellation du Centaure. Un jour, elle découvre la Terre, le monde du chaos. Convaincue que le chant a un pouvoir, elle décide d’y venir pour l’apaiser avec ses mélodies », explique Kumiko Murayama qui a développé le personnage. Pour donner un exemple de sa notoriété, son premier album a été vendu à 2 millions d’exemplaires le premier mois de son lancement. Devant un tel engouement, des marques ont collaboré avec elle; la jeune fille est aussi apparue en couverture de magazine culturelle très prestigieux.

Que seront les influenceurs virtuels demain? Grandiront-ils? Ou s’évanouiront ils dans la nature aussi rapidement qu’ils sont arrivés? Chez Wands, on reste optimiste. « Nous allons assister à l’apparition des ambassadeurs virtuels, qui seront dédiés à une unique marque pour porter son histoire, son actualité, ses valeurs et ses engagements », nous confie Julia Raub. Alors que pour Stéphane Maguet, ça n’est pas aussi simple. « Bien évidemment, rien n’est sûr, ce phénomène sera-t-il encore sur Instagram d’ici 18 mois? Il se sera peut-être métamorphosé. Pour l’instant, par exemple, on distingue encore l’influenceur réel de l’influenceur virtuel… ».

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