Les influenceurs virtuels français sont bien plus que de simples ambassadeurs
Influenceurs virtuels. En Chine, le marketing d’influence est de plus en plus encadré. Rien d’étonnant quand on sait que le gouvernement cherche à tout prix à tout gérer, même les prises de parole anodines autour des derniers produits de beauté. Pointés du doigt, certains influenceurs se retrouvent donc coincés, et les partenariats se font plus rares. Alors, pour éviter tout risque de sanction, de nouvelles entreprises ont vu le jour pour proposer une solution alternative aux marques: des ambassadeurs virtuels. « Un influenceur virtuel est un personnage fictif. Il peut prendre plusieurs formes (humanoïdes, animaux, objets etc.) », précise au site Les Gens d’Internet, Axel Lahterman, co-fondateur de Fomow.
Ces ambassadeurs virtuels suscitent un vif intérêt en Asie, si bien que les investissements dans les entreprises spécialisées ne cessent de grossir. Selon des informations dévoilées par iiMedia Research, le secteur chinois des avatars devrait être multiplié par sept d’ici à 2025, passant de 870 millions de dollars en 2021 à plus de 6,6 milliards de dollars en 2025. Récemment, des acteurs comme Tencent et ByteDance ont injecté des centaines de milliards de dollars dans certaines structures.
En France, le secteur bouge tout doucement et il ne ressemble en rien à ce qu’il se passe en Asie. Les premières campagnes entre ces influenceurs virtuels et des marques peinent à voir le jour. Ces avatars ont également du mal à trouver la bonne audience. Dans une tribune publiée sur LinkedIn, Muriel Ballayer, fondatrice de « « , explique ceci: « l’influence virtuelle (en France) est morte avant d’avoir vécu. » Pourtant, ce ne sont pas les projets qui manquent, mais ils ne dépassent pas les réseaux sociaux. La situation est-elle en train de changer? Webedia a parmi ses talents Arvi Le Renard, un ambassadeur virtuel présent sur TikTok. Il vient récemment de collaborer avec Monoprix.
Comment ces influenceurs virtuels voient-ils le jour?
Arvi Le Renard a désormais d’autres collègues nés eux aussi en France. Il existe, par exemple, Centhurion ou encore Zlu. Ce dernier a été développé par Zut Studio. Son créateur nous a expliqué que cet avatar lui permet de lier plusieurs passions: l’image, la culture et la création sur ordinateur. « La création de Zlu est arrivée par hasard. J’ai fait des études d’architecture où j’ai appris à me servir de logiciels 3D. J’ai commencé à imaginer des personnages virtuels, juste pour le plaisir, sans avoir de véritables objectifs derrière », nous confie son créateur.
Puis, un beau jour, Zlu devient visible aux yeux de tous, puisque l’avatar a désormais son profil sur TikTok. Son créateur a eu le temps de prendre un peu plus de recul sur sa conception. « Je prends vraiment la position de l’artiste qui veut créer son personnage, son double. J’expérimente des choses ». S’il a choisi la couleur bleue, c’est pour permettre à tout le monde de se reconnaître en lui, tout en sachant qu’il n’est pas réel. L’objectif n’était pas de tromper l’utilisateur, mais de l’intriguer. « C’est mon visage qui fait ses émotions, ses mouvements. C’est moi qui bouge avec mon corps », poursuit-il, tout en précisant qu’il préfère se cacher derrière ce personnage, plutôt que de se montrer lui-même.
C’est là que l’influence virtuelle intrigue, questionne. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, il est bon de se montrer dans toutes les situations: en faisant la fête, en voyageant, au restaurant ou encore au bureau. Quid de ces personnes qui ne souhaitent pas voir apparaître leur visage sur Internet? Elles auraient ainsi la possibilité de le faire. Sur Twitch par exemple, TiffanyWitcher se cache derrière le physique d’une sorcière pour ne pas montrer son handicap. « Être une influenceuse virtuelle m’a sauvée en tant que créatrice de contenu handicapée », avançait-elle en septembre dernier, quand la plateforme avait réunit 100 influenceurs virtuels lors d’un événement.
Des influenceurs virtuels français qui veulent faire bouger les mentalités
Se cacher derrière un avatar pour prendre la parole sur les réseaux sociaux est donc souvent la première des raisons. Mais de plus en plus, ces ambassadeurs portent des messages bien plus gros. C’JOYE1440, une goutte d’eau, souhaite inspirer les utilisateurs en partageant des initiatives positives. On peut ainsi retrouver ce petit rond bleu nous présenter ses meilleurs conseils pour préserver la planète ou pour mettre en avant une personnalité à suivre.
De son côté Zlu est également porteur d’un message. « Il espère défendre la diversité dans le monde de la mode, collaborer avec des marques innovantes et se réunir avec des créateurs prometteurs », indique au site Les Gens d’Internet, son fondateur. Cette envie de porter ses valeurs se ressent dans le choix de la couleur du personnage. « Je ne voulais pas que ça soit une femme, je voulais qu’il y ait une partie de moi. Il a mes dimensions. J’avais envie qu’il soit bleu parce que je ne voulais pas tromper les gens, je voulais imiter, je voulais qu’on voit que c’est quelque chose qui n’est pas humain », poursuit-il.
@iam_zlu Observing you over the rooftops of Paris 👀 👽💙 #zlu #paris #architecture #virtualinfluencer #virtualmodel #3dbillboard #3dart
Pour Axel Lahterman, il n’y a rien d’étonnant à voir ces ambassadeurs être le visage de causes à défendre sur les réseaux sociaux. « L’influenceur virtuel peut être perçu comme plus neutre, car moins émotionnel ou soumis à la spontanéité humaine. L’objectif est de diminuer l’attention portée aux traits physiques d’une personne en vidéo et de placer le fond du message à sa place », confie l’entrepreneur au site Les Gens d’Internet.
La monétisation des influenceurs virtuels en France
Ces créateurs d’ambassadeurs se posent néanmoins d’autres questions. Après avoir réfléchi à l’impact des prises de parole de leur influenceur virtuel, ils cherchent à comprendre comment financer leur contenu. Pour le fondateur de Zlu, cette réflexion plus business est arrivée bien après la création du personnage. La première direction qu’il souhaite prendre, c’est d’aller solliciter le marché du luxe, mais il a également d’autres idées. « J’aimerais m’investir davantage avec ce personnage, en réalisant des campagnes pour des vêtements, ou en me promenant dans une architecture à mettre en avant », affirme-t-il. De son côté, C’JOYE1440 cherche à nouer des partenariats avec des entreprises du changement, qui pourraient le choisir comme ambassadeur.
@cjoye1440 Quand seul on arrive pas à trouver sa voie, il ne s’agit pas d’abandonner mais de trouver un bon accompagnement. Essaie du côté de l’intérim, tu y trouveras peut-être des réponses. 💚Force à tous.tes ceux et celles qui passent par là ! 💪 *sponsorisé par #randstad car on partage les mêmes valeurs #acteurdesavie #interimaire #conseils #pourtoi
En Chine, ces avatars sont appelés pour des projets similaires aux créateurs de contenu. Ils animent des lives, sont présents aux événements ou deviennent les égéries pour une nouvelle collection. La marque Pandora a par exemple rompu son contrat avec l’acteur Zhang Zhehan, après que des médias aient dénoncé des photos devant le sanctuaire Yasukuni de Tokyo. À la place, l’entreprise a choisi Sam, une influenceuse virtuelle développée par le magazine Elle. Les marques espèrent éviter les bad buzzs en contrôlant les prises de parole de ces nouveaux ambassadeurs. En France, nous n’en sommes pas encore à ce stade de réflexion.
Cet article a initialement été publié le 24 octobre 2022