Aux élections législatives, peut-on dire que les influenceurs ont joué un rôle?

Aux élections législatives, peut-on dire que les influenceurs ont joué un rôle?

Influenceurs. À la suite des résultats des élections législatives de ce mois de juin, annonçant le parti de gauche, le Nouveau Front Populaire en tête, énormément d’influenceurs se sont réjouis sur les réseaux sociaux. Et pour une bonne raison. Ils ont été nombreux à prendre la parole pour demander à leurs communautés de faire barrage à l’extrême droite, mais aussi à les inciter à se rendre aux urnes. Dans les commentaires, des utilisateurs les remercient pour leur engagement et leur sensibilisation aux sujets qui touchent à la politique, tandis que certains leur reprochent de se servir de leur visibilité pour influencer les électeurs.

C’est la première fois sur les réseaux sociaux, qu’autant d’influenceurs prennent position sur des sujets politiques. Et visiblement, il semblerait que leurs efforts n’aient pas été vains, surtout chez les jeunes. D’après un sondage de l’Ifop pour Roole, publié mercredi 3 juin, 19% des 18-24 ans ont décalé leurs vacances pour aller voter. Dans un sondage de l’Ipsos, publié trois jours avant le second tour, 57% des 18-24 ans ont déclaré être certains d’aller voter.

Mais peut-on dire que les jeunes ont été davantage intéressés par ces élections grâce aux prises de parole des influenceurs sur les réseaux sociaux ?

La mobilisation des influenceurs est une « surprise pas si étonnante que ça »

Cet impact est « impossible à prouver », affirme Jamil Jean-Marc Dakhlia, historien et sociologue des médias, au média Les Gens d’Internet. Ce n’est pas le seul spécialiste à le dire. D’après l’étude, « l’effet des politiques sur les réseaux sociaux », de Luc Rouban publiée en mai 2024, le degré d’utilisation des réseaux sociaux n’a aucune influence sur le comportement politique des électeurs. C’est un fait que Jamil Jean-Marc Dakhlia confirme. « Un utilisateur sur les réseaux sociaux va fréquenter et suivre des personnes qui pensent comme lui. Il va vers des gens qui le font rire, dont il a envie d’imiter le mode de vie. Mais il faut du temps avant qu’il s’attache à la personne », décrit-il.

Pour lui, même si leur engagement massif est une « surprise, ce n’est pas si étonnant que ça ». « L’enjeu était beaucoup plus important, et les prises de positions plus nombreuses. C’est intéressant dans la mesure où ils s’adressent à un public jeune, et on sait que les jeunes sont souvent abstentionnistes, donc cela a peut-être eu un rôle en terme de participation », souligne-t-il.

Le 7 juillet, l’influenceuse Sally a lancé un autocollant sur Instagram, #TousContreLextremeDroite. Toute la journée, elle a republié les utilisateurs qui ont été votés en reprenant le hashtag. D’après sa story, près de 200.000 personnes ont vu ses contenus, et plus de 20 millions de personnes ont regardé ses vidéos sur les réseaux sociaux.

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Voici la story Instagram publiée par Sally.

Ces prises de positions politiques ont eu des conséquences sur les statistiques des influenceurs. Par exemple, après sa prise de parole, Squeezie a perdu 100.000 abonnés sur YouTube, mais il en a gagné 80.000 sur Instagram. Sally, elle, en a réuni plus de 100.000 supplémentaires sur Instagram, ces dernières semaines. « Ils ont perdu des abonnés qui ne se reconnaissaient plus dans leur contenu, pour en gagner d’autres, mais l’essentiel du public a continué de les suivre. Aujourd’hui, l’influenceur n’est plus uniquement tourné vers le divertissement, il a des valeurs », ajoute Jamil Jean-Marc Dakhlia.

Certains influenceurs, comme Esther Luxey, ont affiché publiquement leur soutien à un parti en particulier. Allant même jusqu’à inviter les utilisateurs qui ne sont pas du même bord politique à arrêter de la suivre. Ce qui montre qu’un changement a bel et bien été opéré du côté de certains influenceurs qui ne cachent plus leur bord politique. « C’est une contribution au débat publique, ça amène à réfléchir. La France est fragmentée, maintenant en trois blocs, peut-être que leurs prises de parole aident les utilisateurs à se situer et à prendre conscience de ces différences », explique-t-il, en rappelant cependant que leur impact ne peut pas être prouvé.

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Voici la story de Esther Luxey sur Instagram.

Les réseaux sociaux sont « un moyen de se politiser »

Même si l’impact des influenceurs ne peut être prouvé, il s’est passé quelque chose pendant cette période d’élection. C’est la première fois que les influenceurs se mobilisent autant. Avant le second tour des élections législatives, Perrine Bon, fondatrice de l’agence engagée Perrine Am, nous a révélé qu’il y a eu « une véritable demande de la part des créateurs de contenu » qui ont ressenti « le besoin de se mobiliser parce que ça fait peur » de voir passer le Rassemblement National. Un sentiment qui semble avoir été ressenti par de nombreux Français, puisque le taux de participation au second tour de ces élections a atteint 67,10%, contre 66,7% au premier tour. C’est un score historique, qui n’a pas eu lieu depuis les élections législatives de 1997.

Les réseaux sociaux ont également été pris d’assaut par les politiciens, dans le but de se familiariser avec leurs électeurs. Pour cela, ils ont dû apprendre les codes des différentes plateformes. Le député de gauche, Sébastien Delogu, a ouvert un canal Instagram pour échanger avec sa communauté, Jordan Bardella a partagé des moments de la vie quotidienne d’un homme politique, ou encore Gabriel Attal a organisé une Foire aux Questions sur TikTok.

@jordanbardella

🍏❤️

♬ son original – Jordan Bardella

C’est un constat que rejoint Perrine Bon, qui a affirmé au média Usbek&Rica que « les prises de parole ont, à minima, le pouvoir de planter une graine et d’ouvrir l’intérêt politique de leurs communautés. […] Les publications de gros influenceurs comme Squeezie sont généralement repris par d’autres créateurs qui n’ont pas les même followers ».

Pour des sujets aussi tendus que la politique, les réseaux sociaux seraient donc une potentielle porte d’entrée pour s’y intéresser. C’est un avis que partage Jamil Jean-Marc Dakhlia. « Les réseaux sociaux sont un moyen de se politiser. C’est une source d’information, mais aussi de fake news. C’est un moyen qui aide tout à chacun à se forger une opinion, les valider, ou encore à se confronter à l’opinion d’autrui. Le problème d’internet, avec le jeu des algorithmes, c’est que nous sommes dans des bulles qui confortent nos manières de penser », conclut-il.

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