TikTok au Sénat: l’arme d’influence de la Chine?

TikTok au Sénat: l’arme d’influence de la Chine?

TikTok. Depuis le lundi 13 mars, la commission d’enquête au Sénat concernant TikTok a débuté. L’objectif est de comprendre comment l’application fonctionne, où vont ses données et quelle est la stratégie d’influence la concernant. Pour mener à bien ce travail, un Bureau a été constitué d’une douzaine de sénateurs. Mickaël Vallet, sénateur socialiste de Charente-Maritime, dirige les discussions. Il est accompagné de Claude Malhuret, sénateur de l’Allier, en tant que rapporteur. Ils sont entourés d’une dizaine de vice-présidentes et vice-présidents présents lors des échanges avec les spécialistes.

« L’actualité aux États-Unis, au Canada, et en Europe, confortent notre initiative au Sénat. Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que TikTok n’est pas un instrument potentiel de désinformation ou de manipulation au profit de régimes non démocratiques, ni que son utilisation est sûre au regard de la nécessaire protection des données. La commission d’enquête permettra de faire toute la lumière sur ces questions et fera des recommandations », indique Claude Malhuret sur le site du Sénat.

Les auditions de la commission d’enquête sont diffusées en direct et sont disponibles en replay sur YouTube. Nous avons pris le temps de les regarder en intégralité pour vous faire un résumé de ce qu’il s’est dit. Le 13 avril, ce sont les députés européens Nathalie Loiseau (également présidente de la sous-commission « sécurité et défense ») et Raphaël Glucksmann (également président de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne) qui ont été reçus.

Quand TikTok est utilisé pour déstabiliser

S’il y a un mot à retenir de cet échange, c’est le verbe « déstabiliser ». Pour les deux députés européens, TikTok est une arme pour venir mettre la pagaille dans nos démocraties en soutenant les extrêmes de chaque soulèvement, comme c’est le cas de la Russie, une inspiration pour Pékin. Les Russes ont par exemple soutenu « les pôles les plus extrêmes sur les réseaux sociaux pour radicaliser les débats » indique Raphaël Glucksmann. Les Chinois suivent un peu le même chemin ce qui est un risque pour notre démocratie, comme le souligne le député européen à plusieurs reprises. « Ces algorithmes qui dictent, qui sont les lois de notre nouvel agora. C’est là tout le paradoxe. Notre débat public a désormais lieu dans un espace privé. Notre place publique est devenu un espace privé. […] Ces lois favorisent l’ébranlement de notre démocratie parce qu’elles favorisent les opinions les plus polarisantes et rend drogué du point de vue de la colère. »

De son côté, Nathalie Loiseau est du même avis. Elle donne d’autres arguments qui vont dans le même sens. Selon elle, TikTok est « un instrument qui permet toute sorte de manipulations. C’est le cas d’autres plateformes, mais il y a quelques spécificités chinoises qui doivent nous alerter. Tout d’abord le format même des vidéos courtes de TikTok qui permet d’engranger très vite énormément de données sur les utilisateurs de la plateforme, des données personnelles, qui sont rapatriées en Chine et on sait que des employés de TikTok y ont accès. […] Au-delà, c’est un outil d’influence qui émane d’un état autoritaire qui ne nous laisse donc voir que ce qui est validé et pas ce qui ne l’est pas. C’est un outil de propagande d’une part et de censure d’autre part. Propagande massive avec les influenceurs qui répètent les mêmes éléments de langage sur la plateforme. Et des contenus interdits, quand ils risqueraient de déplaire aux autorités de Pékin. »

Quelles sont les solutions qui s’offrent à nous?

La commission du Sénat doit réfléchir, après l’ensemble de ces entretiens, à un possible bannissement en France de l’application de ByteDance. Pour tenter d’éviter de disparaître des radars européens, TikTok cherche des solutions. L’une d’entre elles est d’avoir basé son siège social européen à Dublin et de proposer de collecter des données sur des serveurs basés en Europe. Ce qui est loin d’être suffisant pour les deux députés européens.

« ByteDance n’est pas une entreprise privée comme on l’entend ici. Bien sûr, c’est une entreprise privée sur le papier, mais en Russie comme en Chine, il est impossible pour une entreprise qui dépasse une taille critique, d’échapper au contrôle du régime politique », constate Raphaël Glucksmann, avant de poursuivre. « Sur le papier, ça peut très bien devenir une entreprise européenne basée en Irlande. Mais la question est qui commande? Concrètement. Réellement. Là-dessus, vous pouvez avoir toutes les garanties sur le papier, il y aura toujours la même suspicion parce que l’on ne refuse rien aux autorités politiques chinoises. » D’après lui, mettre des serveurs en Europe ne résout pas le problème de l’accès à nos données par le régime chinois.

En parallèle de ces interrogations, les deux députés notent qu’en ce moment même, TikTok est en pleine campagne. « Ce que je relève, c’est la montée en puissance du lobbying de TikTok, aux États-Unis bien sûr et à Bruxelles », précise Nathalie Loiseau. Leur opinion est donc assez claire vis-à-vis de l’application imaginée par ByteDance.

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