Je ne suis pas jolie, de la YouTubeuse beauté à la femme entrepreneuse
YouTube. Depuis plus de quinze ans, Léa Coffrant, connue sous le pseudo Je ne suis pas jolie, fait partie des figures marquantes de l’histoire de YouTube en France. Son parcours illustre une trajectoire devenue emblématique dans la Creator Economy: celle d’une créatrice qui a grandi en ligne, dont la ligne éditoriale a évolué au rythme de sa vie personnelle, jusqu’à se transformer en une activité entrepreneuriale structurée.
De la beauté à la maternité, puis à l’accompagnement et au développement personnel, l’évolution de Léa Coffrant raconte autant l’histoire d’une femme que celle d’un écosystème numérique en constante mutation. Rien que pour Les Gens d’Internet, elle s’est confiée dans un témoignage vidéo, pour revenir en détails sur sa carrière. Vous pouvez la retrouver dans le contenu ci-dessous:
Les débuts de Je ne suis pas jolie sur YouTube
Pour bien comprendre son évolution, revenons sur son histoire. Léa Coffrant débute sur YouTube autour de 2010, même si les premières vidéos encore visibles aujourd’hui sur sa chaîne datent de 2012. À cette époque, YouTube est encore un espace en construction, particulièrement pour les créatrices françaises. Le contenu beauté, déjà très présent, constitue l’un des formats les plus accessibles pour celles qui souhaitent se lancer face caméra. C’est ce que fera la créatrice. Dès ses débuts, Léa s’inscrit dans la catégorie des vidéos beauté: tests de produits, conseils maquillage, discussions avec sa mère, et formats très populaires à l’époque comme les tags ou les vidéos conversationnelles.
Très rapidement, sa chaîne connaît une croissance notable. En 2012, elle compte déjà environ 15.000 abonnés, un chiffre significatif pour l’époque. En 2013, elle atteint les 50.000 abonnés, confirmant une ascension rapide dans le paysage YouTube français.
Dès ses premières années, Léa Coffrant développe une relation étroite avec sa communauté. Elle explique notamment, dans une interview donnée en 2017 à Sam Zirah, avoir cherché dans les réseaux sociaux une forme de passe-temps et de lien social, alors que ses amis de l’époque avaient des centres d’intérêt différents. Elle précise également avoir toujours occupé un rôle de “maman” ou de conseillère, bien avant les réseaux sociaux, et que cette posture s’est naturellement transposée dans ses contenus en ligne.
Cette proximité se manifeste par un contenu très personnel. Léa n’hésite pas à intégrer son entourage dans ses vidéos comme sa mère, son compagnon Samuel, notamment à travers des formats comme le boyfriend tag, et plus largement sa vie quotidienne. Elle aborde progressivement des thématiques lifestyle, relationnelles et personnelles, à l’image de nombreuses créatrices de sa génération.
À cette période, la beauté n’est pas nécessairement un sujet de passion initial pour Léa. Elle explique avoir choisi ce thème parce qu’il était déjà largement présent sur YouTube, et qu’il constituait un point d’entrée évident pour créer du contenu et échanger avec une communauté majoritairement féminine.
Vlogs, chaînes secondaires et structuration du métier
En parallèle de sa chaîne principale, Léa développe une activité de vloggeuse. Elle lance une chaîne secondaire intitulée Je ne suis pas bavarde, dédiée à des contenus plus immersifs et quotidiens. C’est notamment sur cette chaîne qu’elle publie des vlogmas, ces vlogs quotidiens diffusés jusqu’à Noël, un format alors très populaire.
Ces vidéos offrent un aperçu concret du métier de créatrice de contenu à une époque où celui-ci est encore peu connu du grand public. On y découvre son quotidien, ses lieux de vie, ses méthodes de travail et ses collaborations. Cette période contribue à installer Léa Coffrant comme l’une des figures lifestyle de YouTube en France, tout en permettant à d’autres créatrices de se lancer à leur tour.
À cette époque, Léa évolue également dans un cadre plus structuré, notamment au sein de Finder Studios, une agence d’influence rachetée par TF1. Elle participe à des événements majeurs comme la Get Beauty, collabore avec des marques reconnues et devient égérie pour certaines d’entre elles.
En mai 2016, Léa Coffrant publie un livre intitulé « Je ne suis pas jolie, c’est vous les plus belles ». Cet ouvrage, destiné à un public adolescent et jeune adulte, propose des conseils pour mieux vivre son adolescence et s’accepter. Cette publication marque une reconnaissance supplémentaire de son influence au-delà de YouTube.
La même année, elle cumule environ 2,5 millions d’abonnés sur YouTube et Instagram réunis, ainsi que plus de 100 millions de vues sur YouTube. Ces chiffres confirment son statut de créatrice majeure dans l’écosystème français de l’époque.
Le tournant de la maternité, Cracotte & Pyjama…
En août 2017, Léa annonce sa grossesse dans une vidéo publiée sur YouTube. Comme lors des grandes étapes de sa vie, cette annonce est partagée directement avec sa communauté. Cette période marque un tournant important dans sa ligne éditoriale. Progressivement, les contenus beauté laissent place à des sujets liés à la maternité et à la parentalité. Léa aborde des thèmes comme l’éducation non violente, la diversification alimentaire, l’allaitement ou encore la pédagogie Montessori. Ces sujets attirent une nouvelle audience, composée de parents ou de futurs parents, tout en suscitant également des débats et des critiques.
Les prises de position sur l’éducation, renforcées par la visibilité de son mari Samuel, qui partage lui aussi sa vision sur ses réseaux sociaux, donnent lieu à des réactions contrastées. Toutefois, Léa poursuit son évolution éditoriale sans revenir en arrière, forte de son expérience et de sa relation de long terme avec sa communauté.
Bien avant la maternité, Léa Coffrant avait déjà amorcé un virage entrepreneurial avec le lancement de Cracotte & Pyjama, un e-shop proposant d’abord de la papeterie et des accessoires. Après la naissance de son fils, la boutique prend une nouvelle dimension et se repositionne comme un concept store dédié aux mamans et aux bébés, mettant en avant le made in France et des créations responsables.
Cette activité permet à Léa de partager une nouvelle facette de son quotidien, la gestion d’une entreprise, la constitution d’une équipe, la vie de bureau, et les contraintes liées à l’e-commerce. Les vlogs deviennent alors un moyen de documenter cette aventure entrepreneuriale de manière transparente.
En 2019, Léa lance le podcast Le Nid, consacré à la parentalité. Ce projet marque une nouvelle étape dans la diversification de ses formats et de ses canaux de diffusion. En 2020, elle initie un second podcast, Salut ça va, tandis que Le Nid est repris par son mari Samuel.
Ces projets audio s’inscrivent dans une continuité éditoriale, celle d’aborder des sujets intimes, sociétaux et personnels, tout en s’adaptant à de nouveaux usages de consommation de contenu. Parallèlement, Cracotte & Pyjama évolue vers une sélection de produits responsables pour la maison et le soin.
La transition vers l’accompagnement et le développement personnel
L’année 2022 marque un changement structurant. Léa Coffrant lance Take Care, une plateforme de développement personnel cofondée avec une psychologue. Contrairement à ses projets précédents, il ne s’agit plus de vendre des objets physiques, mais des programmes d’accompagnement et de coaching en ligne.
Le lancement se fait de manière progressive, avec une première offre accessible à un petit groupe de participantes. Take Care s’accompagne du podcast Salut ça va by Take Care, qui devient le support éditorial principal de cette nouvelle activité. Cette évolution coïncide avec une période personnelle marquée par une dépression, que Léa évoque publiquement dans ses contenus.
Avec l’arrêt progressif de Cracotte en 2024, Léa choisit de se concentrer pleinement sur Take Care. La plateforme s’élargit à des produits liés à l’organisation et au développement personnel, mais aussi à des retraites dédiées aux femmes, intégrant coaching et pratiques de bien-être comme le yoga.
En parallèle, Léa développe des activités de consulting, notamment autour de l’outil Notion, pour lequel elle propose formations et templates. En 2025, elle s’associe également à Margo Cunego pour accompagner des femmes dans la création de leur entreprise à travers un programme documenté sur YouTube sous le nom Entreprendre au féminin.
Aujourd’hui, Léa Coffrant continue de publier principalement des vlogs sur YouTube, mettant en avant son quotidien, sa vie de famille, son travail et ses enjeux personnels. Elle est également active sur Twitch, où elle propose des sessions d’échange et de jeux vidéo, notamment autour des Sims.
Ses contenus ont évolué, tout comme son audience. Si certains abonnés de la première heure ne la suivent plus, d’autres ont rejoint son univers à différentes étapes de sa vie. Cette dynamique illustre la capacité d’une créatrice à transformer sa communauté au fil du temps, sans chercher à figer son image.
De Je ne suis pas jolie à Léa Coffrant, le parcours de cette créatrice dépasse la simple évolution de carrière. Il reflète celui d’une génération de femmes ayant grandi sur Internet, ayant transformé leur visibilité en projets concrets, et cherchant aujourd’hui à donner du sens à leur présence en ligne. En choisissant de faire évoluer sa ligne éditoriale, parfois au prix d’une baisse d’audience, Léa Coffrant incarne une forme de maturité dans la Creator Economy. Moins centrée sur la performance pure, davantage tournée vers l’alignement personnel et professionnel, son parcours illustre les mutations profondes du métier de créatrice de contenu à l’ère de l’entrepreneuriat numérique.
