TikTok au Sénat: quand les algorithmes favorisent la mésinformation

TikTok au Sénat: quand les algorithmes favorisent la mésinformation

TikTok. Depuis le lundi 13 mars, la commission d’enquête au Sénat concernant TikTok a débuté. L’objectif est de comprendre comment l’application fonctionne, où vont ses données et quelle est la stratégie d’influence la concernant. Pour mener à bien ce travail, un Bureau a été constitué d’une douzaine de sénateurs. Mickaël Vallet, sénateur socialiste de Charente-Maritime, dirige les discussions. Il est accompagné de Claude Malhuret, sénateur de l’Allier, en tant que rapporteur. Ils sont entourés d’une dizaine de vice-présidentes et vice-présidents présents lors des échanges avec les spécialistes.

« L’actualité aux États-Unis, au Canada, et en Europe, confortent notre initiative au Sénat. Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que TikTok n’est pas un instrument potentiel de désinformation ou de manipulation au profit de régimes non démocratiques, ni que son utilisation est sûre au regard de la nécessaire protection des données. La commission d’enquête permettra de faire toute la lumière sur ces questions et fera des recommandations », indique Claude Malhuret sur le site du Sénat.

Les auditions de la commission d’enquête sont diffusées en direct et sont disponibles en replay sur YouTube. Nous avons pris le temps de les regarder en intégralité pour vous faire un résumé de ce qu’il s’est dit. Le mercredi 3 mai, c’est Chine Labbé, rédactrice en chef de NewsGuard, qui a été reçue par les Sénateurs.

Comment le partage de la mésinformation est-il facilité par TikTok?

Depuis plusieurs années maintenant, les journalistes de chez Newsguard mènent des enquêtes sur le contenu publié sur TikTok. L’un des constats qu’ils font, c’est que 20% des publications sur des sujets d’actualité contiendraient de la désinformation. Si ce nombre est assez élevé, c’est qu’en réalité, la manière dont fonctionne l’application de ByteDance, facilite la diffusion de ces contenus corroborant des fake news. « Si l’application est en effet un lieu de divertissement, c’est aujourd’hui bien plus que cela, c’est un endroit où les utilisateurs vont chercher de l’information et comme tous les réseaux sociaux où se partagent l’information, c’est un lieu où circule de nombreuses infox, y compris sur des sujets politique, socio et géopolitique », indique en introduction Chine Labbé.

La rédactrice en chef va même plus loin dans ses explications en précisant comment TikTok aide à la diffusion de ces contenus. « Il existe à mes yeux deux principaux problèmes au sujet de la mésinformation sur TikTok. D’abord le problème du scroll, lorsque les utilisateurs se contentent de faire défiler des vidéos sur leur fil « For you ». Et ensuite le problème de la recherche qui est lié au moteur de recherche de TikTok. Avec ces deux pratiques, les utilisateurs sont confrontés à de fausses informations sur tous les grands sujets d’actualité, d’après nos analyses », poursuit-elle.

Le problème du scroll et des recherches sur TikTok

Pour montrer à quel point ces deux particularités du réseau social sont problématiques, Newsguard a mené différentes analyses au moment de la crise du Covid-19, en septembre 2021, et en mars 2022, au moment de la crise en Ukraine. Dans le premier cas, un adolescent de 13 ans a été le cobaye. En l’espace de 17 secondes, il est tombé sur des vidéos concernant le coronavirus, partageant des informations non vérifiées. Dans le second cas, la personne a eu accès à du contenu problématique en moins de 30 minutes. « Une fausse information va arriver entre un mème amusant et des informations fiables sur des actualités. Mais le design de l’application, le fait de faire défiler les vidéos les unes derrière les autres, sans réelle mise en contexte ou hiérarchisation et avec très peu de labellisation des contenus, fait qu’il est extrêmement difficile pour un utilisateur de faire le tri parmi les informations qui vont lui être proposées », conclut Chine Labbé.

En ce qui concerne la partie recherche, en septembre 2022, « près de 20% des vidéos apparues dans les 20 premiers résultats de recherche sur TikTok contenaient de fausses informations ». L’outil de recherche aide également à la diffusion de fake news, notamment quand il est question de suggérer des éléments de recherches aux utilisateurs. « L’application suggère aussi des termes tendancieux pour compléter une recherche neutre. Par exemple, lorsqu’un de nos analystes a effectué une recherche pour climate change, l’application lui a suggéré de recherche climate change debunk (changement climatique démystifié). »

Quelles solutions s’offrent à nous pour tenter de ralentir ce phénomène? Pour Chine Labbé, le plus gros problème se cache dans ce qui fait le succès de TikTok. « Ce sont les algorithmes qui sont responsables de la présence fréquente de contenus faux, puisque ce sont eux qui déterminent quelles vidéos vont apparaître dans votre fil d’actualité, et lesquelles vont remonter dans votre barre de recherche. » Newsguard demande plus de transparence à ce niveau-là.

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