TikTok au Sénat: l’entreprise est-elle dépendante du Parti communiste chinois?

TikTok au Sénat: l’entreprise est-elle dépendante du Parti communiste chinois?

TikTok. Depuis le lundi 13 mars, la commission d’enquête au Sénat concernant TikTok a débuté. L’objectif est de comprendre comment l’application fonctionne, où vont ses données et quelle est la stratégie d’influence la concernant. Pour mener à bien ces travaux, un Bureau a été constitué d’une douzaine de sénateurs. Mickaël Vallet, sénateur socialiste de Charente-Maritime, dirige les discussions. Il est accompagné de Claude Malhuret, sénateur de l’Allier, en tant que rapporteur. Ils sont entourés d’une dizaine de vice-présidentes et de vice-présidents présents lors des échanges avec les spécialistes.

« L’actualité aux États-Unis, au Canada, et en Europe, confortent notre initiative au Sénat. Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que TikTok n’est pas un instrument potentiel de désinformation ou de manipulation au profit de régimes non démocratiques, ni que son utilisation est sûre au regard de la nécessaire protection des données. La commission d’enquête permettra de faire toute la lumière sur ces questions et fera des recommandations », indique Claude Malhuret sur le site du Sénat.

Les auditions de la commission d’enquête sont diffusées en direct et sont disponibles en replay sur YouTube. Nous avons pris le temps de les regarder en intégralité pour vous faire un résumé de ce qu’il s’est dit. Le 20 mars, les sénateurs ont reçu Paul Charon, directeur du domaine « Renseignement, anticipation et stratégies d’influence » à l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM).

Quels sont les liens entre TikTok et le gouvernement chinois?

Lors de son entretien, Paul Charon est revenu sur la main mise du pouvoir chinois sur les entreprises du pays. « Aucune société chinoise ne peut tenir tête au Parti. Le système ne le permet pas. Aujourd’hui, il y a une loi sur le renseignement et une loi sur le contre-espionnage de 2014 et de 2017, qui autorisent les services de renseignement chinois, à demander à toute entreprise chinoise, de transmettre les données qu’elles disposent sur des individus ou des personnes morales », précise-t-il, avant de le répéter à plusieurs reprises.

C’est donc en toute logique que certains contenus sont modérés sur TikTok. Par exemple, Paul Charon explique que des profils ont été fermés, car ils abordaient des thèmes bien spécifiques, comme les manifestations de Tien An Men, la question tibétaine, celle des ouïghours, de Taïwan ou encore la question de Falun Gong. Ce sont ce que les Chinois appellent les 5 poisons, des sujets que le gouvernement ne veut pas voir. En 2019, le Washington Post dévoile dans une enquête que les employés suppriment du contenu quand il est culturellement problématique. La même année, le Guardian accède à un document interne où il est question de toute une liste de sujets à évincer. « On a certainement un nombre de preuves suffisamment importantes maintenant qui montrent que ce n’est pas accidentelle, ce n’est pas marginal, mais qu’il y a une pratique systématique ou qui tend à se systématiser de contrôles des contenus sur TikTok », poursuit le spécialiste. « TikTok a été accusé de supprimer ou en tout cas, d’entraver la création de comptes par des afro-américains, pour limiter leur présence en tant que créateurs. »

Paul Charon nuance tout de même sur deux points. Si le gouvernement chinois a accès aux données collectées par l’application, ce ne sont que de minces informations. « Les données dont on parle, sont une goutte d’eau dans l’océan des données captées par la Chine. C’est louable de s’attaquer aux données que TikTok peut collecter, mais ça ne représente qu’un très faible pourcentage de la masse de données captées par la Chine aujourd’hui. » Le second point concerne le développement de l’application. L’entreprise est dépassée par son succès, comme l’a également rappelé Marc Faddoul lors de son audition. « Le succès de TikTok est plutôt une opportunité saisie par les acteurs de la lutte informationnelle chinois, plutôt qu’une vaste stratégie mise en place par Pékin. »

Le manque d’étude sur TikTok

Malgré tout ce que l’on peut savoir aujourd’hui sur TikTok, Paul Charon tient à alerter sur le manque d’études concernant l’application, le manque de chercheurs français parlant chinois et ayant le temps de se pencher sur la plateforme. « Le problème auxquels nous faisons face, c’est à une asymétrie dans la connaissance de l’autre, c’est-à-dire que l’on connaît moins la Chine que la Chine ne nous connaît », confie le directeur à l’IRSEM. Il y a donc encore de nombreuses zones d’ombre concernant le réseau social développé par ByteDance.

Néanmoins, l’un des points à ne pas négliger concerne la jeune audience de la plateforme. Sans savoir véritablement les intentions de la Chine, Paul Charon fait une déduction. « Même si ce sont des adolescents qui n’ont pas encore d’activité professionnelle, ils en auront un jour. Donc ils ont pu être influencés par des contenus, ils pourront peut-être avoir une image plus positive de la Chine que les générations précédentes. C’est aussi des stratégies de long terme », précise-t-il aux sénateurs.

Ce que l’on peut retenir de cet entretien est qu’aucune entreprise chinoise ne peut faire face au gouvernement. Si ce dernier souhaite accéder aux données collectées, les salariés n’ont pas les moyens de riposter. Le second constat est le fait que l’on connaît beaucoup moins la Chine qu’elle ne nous connaît et qu’aucune analyse profonde n’a encore été faite sur TikTok.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *