Influenceurs. Après les vlogs d’août de Léna Situations, la rentrée de septembre annonce l’arrivée des défilés de la Fashion Week. Depuis plusieurs années, les créateurs de contenu multiplient les apparitions sur les bancs des plus belles marques, pour regarder les dernières nouveautés. Et cette année, parmi les invités, un influenceur a décidé de faire profiter de ses accès VIP à sa communauté. Il ne porte pas de nom (à part son pseudo Instagram, Incognito), a ouvert son compte il y a seulement une semaine et petite détail qui a son importance, il est virtuel.
Cet homme à l’allure chic est le double de Stéphane Galienni, directeur de création de l’agence BLSTK. Ancien artiste peintre, il apprécie mêler communication et projets créatifs. » Je m’intéresse à l’IA depuis plusieurs mois, sous un angle créatif, car j’ai un passé artistique. J’ai commencé à tester les logiciels et les premiers résultats étaient bluffants. Quand j’ai vu les images, j’ai suivi des tutos et j’ai commencé à performer mes prompts. J’ai aussi appris à entraîner la machine pour avoir les résultats que je souhaitais. » C’est en voyant ses créations que Stéphane Galienni s’est fait une remarque: et si les influenceurs de 3e génération allaient être imaginés de cette manière? Après les blogueurs, puis les influenceurs virtuels, place désormais à ces avatars aux traits plus que ressemblants aux humains.
Créer un influenceur pour participer à toutes les Fashion Week sans bouger de chez soi
Pour s’entraîner et continuer à maîtriser les outils et leurs mises à jour, ce créatif à multiplier les tests. Après avoir commencé un projet sur des influenceurs afro-américains, il a choisi de se concentrer sur un personnage qui lui ressemble. « Sur Midjourney, j’ai réussi à craquer quelques prompts qui m’intéressent et qui me donnent le style que je veux. Mais d’une image à l’autre, le visage de la personne peut changer. Je suis alors tombé sur un plugin qui nous permet d’uploader le visage de quelqu’un, et l’IA se calque sur lui pour imaginer le personnage. D’une création à l’autre, les traits ne changent pas ». C’est de cette manière qu’Incognito, son influenceur virtuel qui lui ressemble, a été pensé, car ce sont ses photos qu’il a utilisées.
Stéphane Galienni a ensuite pensé tout un storytelling pour son personnage. « C’est un looser à qui, il n’arrive que des tuiles. Il a envie d’évoluer dans le secteur du luxe, mais n’y parvient pas forcément », nous confie-t-il. Ces petites histoires sont pensées au jour le jour, suivant les défilés et les actualités dans l’industrie du luxe. Par exemple, Incognito a réussi à participer au pop-up de Chanel à New York en devenant serveur pour la soirée. « Je dois attendre le défilé, pour voir l’ambiance et trouver le bon arrière plan. C’est intéressant de jouer sur la réalité/fiction, sur les paradoxes, ce qui me permet de travailler sur du storytelling en temps réel. » Même si tout est inventé, avec Incognito, « je créé de l’émotion. Certains me disent que je les fais rire ».
Qu’en pensent les maisons de luxe?
Tout ce travail créatif sert également à Stéphane Galienni à promouvoir son travail via l’agence qu’il a créée en 2007, BLSTK. Avec son équipe, ils accompagnent les acteurs du luxe dans leur communication. À chaque Fashion Week, ils publient des carnets de tendances sur ce qu’ils ont vu et décrypté. « Je me suis dit que ça serait drôle pour illustrer ce carnet, d’imaginer un storytelling en faisant croire que je suis au front row des défilés. L’idée est de ne pas me prendre au sérieux et de faire ça de manière décaler », explique-t-il. Ce projet est aussi une manière de se démarquer et de faire vivre sa communauté et de réunir ses clients autour d’une idée créative.
Incognito montre aussi aux partenaires de l’agence ce que peut donner le travail autour de l’IA. « Avec une description, une façon de raconter les mots, on peut sortir de nouvelles images en faisant des variations. C’est illimité pour l’imaginaire, ce qui est important pour le luxe. » Mais encore aujourd’hui, certaines entreprises sont réticentes à l’idée de faire appel à ce type de technologie, de peur de ne pas avoir le total contrôle sur ce qu’il se passe. Stéphane Galienni sent qu’une partie des professionnels dans la communication et le marketing ne sont pas encore totalement réceptifs à ce type de pratique. Pourtant, pour lui, il s’agit « d’un nouvel outil créatif qui s’ajoute aux autres ».
En ce qui concerne son personnage, il compte l’emmener bien plus loin que les Fashion Week. « Mon objectif n’est pas devenir un influenceur. Ce qui est marrant, c’est d’analyser, comme un laboratoire. Il me permet d’apprendre de nouvelles logiques, de nouvelles créations graphiques, de comprendre une nouvelle influence ». L’influence virtuelle se transforme en un moyen de s’inspirer pour imaginer de nouveaux projets pour ses clients.