TikTok au Sénat: Pour Éric Garandeau, « TikTok apporte une nouvelle culture »
TikTok. Depuis le lundi 13 mars, la commission d’enquête au Sénat concernant TikTok a débuté. L’objectif est de comprendre comment l’application fonctionne, où vont ses données et quelle est la stratégie d’influence la concernant. Pour mener à bien ce travail, un Bureau a été constitué d’une douzaine de sénateurs. Mickaël Vallet, sénateur socialiste de Charente-Maritime, dirige les discussions. Il est accompagné de Claude Malhuret, sénateur de l’Allier, en tant que rapporteur. Ils sont entourés d’une dizaine de vice-présidentes et vice-présidents présents lors des échanges avec les spécialistes.
« L’actualité aux États-Unis, au Canada, et en Europe, confortent notre initiative au Sénat. Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que TikTok n’est pas un instrument potentiel de désinformation ou de manipulation au profit de régimes non démocratiques, ni que son utilisation est sûre au regard de la nécessaire protection des données. La commission d’enquête permettra de faire toute la lumière sur ces questions et fera des recommandations », indique Claude Malhuret sur le site du Sénat.
Les auditions de la commission d’enquête sont diffusées en direct et sont disponibles en replay sur YouTube. Nous avons pris le temps de les regarder en intégralité pour vous faire un résumé de ce qu’il s’est dit. Le jeudi 8 juin, c’est TikTok France qui a été entendu. Les auditions ont débuté avec Éric Garandeau, directeur des affaires publiques de TikTok France, depuis septembre 2020. Le ton des questions et des échanges étaient beaucoup plus secs que les précédents, car les sénateurs attendaient ici de véritables réponses.
Comment TikTok est-il structuré en Europe, mais aussi dans le monde?
L’une des zones d’ombre qu’ont souhaité éclaircir les sénateurs concerne la structuration de l’entreprise. Lors de cette audition, nous apprenons que TikTok France est une société simplifiée à actionnaire unique, « ce qui est peu fréquent » a tenu à souligner Claude Malhuret. L’organigramme parvenu aux mains des politiques ne comprenait pas le nom de la présidente. Celle qui a lancé TikTok France et d’autres entités est originaire de Chine. « Nous ne l’avons jamais rencontré et elle est Canadienne il me semble », précise de son côté Éric Garandeau.
TikTok France n’a en réalité que très peu de pouvoir de décision, puisque c’est une filiale de TikTok UK. « Nous sommes organisés en différentes directions et chaque responsable de pôle, moi-même en ce qui concerne les relations institutionnels, Marlène Masure en ce qui concerne la direction des contenus, nous répondons à un supérieur hiérarchique qui se trouve être à Londres, car TikTok UK est la maison-mère européenne », confie-t-il. « En matière juridique du groupe, il y a bien une séparation totale entre TikTok et d’autres entités opérant en Chine », poursuit-il.
TikTok France et TikTok UK font tous les deux parties de « ByteDance Limited, la maison mère, immatriculée dans un département d’outre-mer, qui détient à 100% TikTok Limited qui a des filiales dans les territoires, aux États-Unis et en Europe ». En Europe, les entités ont un rôle bien établi. En Irlande, l’équipe est davantage concentrée sur les relations avec les utilisateurs, le lien avec les autorités de régulation et les questions concernant la RGPD. Au Royaume-Uni, c’est la maison-mère européenne qui gère à la fois les autres filiales et celle du pays.
Pour gérer ByteDance Limited, un conseil d’administration est constitué de 5 membres, dont l’un est Français. Il s’agit de Philippe Lafont qui y siège via son fonds d’investissement Coatue. Ce conseil représente 60% du capital de ByteDance, 20% du capital appartient au fondateur et les 20% restants appartiennent aux salariés du groupe ainsi qu’à des petits actionnaires.
Éric Garandeau a tenu à rassurer sur l’objectif
Après avoir fait un point juridique, Éric Garandeau a été interrogé sur le but de TikTok. « L’intérêt de cette plateforme qui s’appelle TikTok, c’est de permettre ce dialogue des cultures, cette meilleure compréhension qui est si nécessaire aujourd’hui , au moment où les tensions grandissent entre les contenus », indique-t-il. Lors de son introduction, il avait expliqué avoir rejoint TikTok, « car cette plateforme apporte une nouvelle culture, une nouvelle écriture audiovisuelle, une nouvelle génération de cinéaste avec des codes qui leur sont propre. C’est aussi une nouvelle manière de diffuser et de partager des oeuvres et des moments de vie au profit du plus grand nombre. »
Côté algorithme, ils ne sont pas là pour enfermer les utilisateurs dans des bulles. Pour le directeur des affaires publiques de TikTok France, c’est tout l’inverse qui se passe. « On veille à ce que vous n’ayez jamais dans votre fil pour toi, deux vidéos du même créateur ou deux vidéos avec le même son. » Cette envie de proposer des publications toujours plus diversifiées va même plus loin, notamment quand il s’agit de contenus pouvant pousser à des comportements « problématiques », comme celui sur le fitness qui peut inciter les utilisateurs à faire beaucoup trop de sport. « On veille à ce qu’il ne soit pas fourni en trop grande quantité dans un même flux, pour que justement, les personnes qui ont tendance à aller vers des pratiques extrêmes ne soient pas encouragées à le faire. Parfois même on leur propose des ressources. » Enfin, l’équipe est actuellement en train de travailler sur une API pour « permettre aux autorités de régulation, aux chercheurs, à la communauté scientifique, d’interroger ces algorithmes et de vérifier qu’il n’y a pas des biais qui soient contraire à l’intérêt général. »
Éric Garandeau a également dû clarifier certains points sur l’accès aux données. Que ça soit pour la création de l’entreprise, sa gestion ou même l’algorithme, il précise qu’aucun lien avec la Chine n’a été créé. Cependant, certaines données peuvent être remontées à l’équipe présente au sein du pays pour développer davantage l’outil. L’exemple de l’utilisation des filtres les plus populaires a été donné, avec une anonymisation des données partagées. Pour aller plus loin, Éric Garandeau a indiqué que les données vont être localisées au plus proche des utilisateurs via la création de data centers et qu’une diminution de leurs transferts a été fait pour n’être accessible qu’à une poignée de personnes.
Son audition a duré trois heures, trois fois plus que pour les autres. Elle a été complétée par la prise de parole de Marlène Masure, directrice générale des opérations France, Benelux et Europe du Sud de TikTok, qui a duré le même temps.