TikTok au Sénat: comment faire confiance au réseau social?
TikTok. Depuis le lundi 13 mars, la commission d’enquête au Sénat concernant TikTok a débuté. L’objectif est de comprendre comment l’application fonctionne, où vont ses données et quelle est la stratégie d’influence la concernant. Pour mener à bien ce travail, un Bureau a été constitué d’une douzaine de sénateurs. Mickaël Vallet, sénateur socialiste de Charente-Maritime, dirige les discussions. Il est accompagné de Claude Malhuret, sénateur de l’Allier, en tant que rapporteur. Ils sont entourés d’une dizaine de vice-présidentes et vice-présidents présents lors des échanges avec les spécialistes.
« L’actualité aux États-Unis, au Canada, et en Europe, confortent notre initiative au Sénat. Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que TikTok n’est pas un instrument potentiel de désinformation ou de manipulation au profit de régimes non démocratiques, ni que son utilisation est sûre au regard de la nécessaire protection des données. La commission d’enquête permettra de faire toute la lumière sur ces questions et fera des recommandations », indique Claude Malhuret sur le site du Sénat.
Les auditions de la commission d’enquête sont diffusées en direct et sont disponibles en replay sur YouTube. Nous avons pris le temps de les regarder en intégralité pour vous faire un résumé de ce qu’il s’est dit. Le 16 mars, les sénateurs ont reçu Benoît Loutrel, membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).
Qu’est-il attendu de TikTok en matière de transparence?
L’Arcom a déjà entamé des discussions avec TikTok en France, pour inciter l’équipe à être plus transparente. En novembre 2022, le réseau social a été rappelé à l’ordre concernant la lutte contre la désinformation réalisée au sein de la plateforme. D’après le régulateur, l’application a été « particulièrement imprécise », « dans éléments tangibles permettant une évaluation des moyens mis en place » sans apporter de réponse sur « des enjeux centraux » de modération.
Quelques mois plus tard, l’Arcom poursuit sur la même lancée. « La loi exige que les plateformes s’engagent dans la lutte contre la manipulation de l’information, prennent des mesures pro-actives et, c’est crucial, les rendent transparentes. C’est-à-dire que tout le monde puisse en prendre connaissance, puisse participer à comprendre ce que font les plateformes […] et qu’à la fin, on renforce la confiance », explique Benoît Loutrel aux sénateurs. Si aujourd’hui, TikTok a du mal à se mettre sur le droit chemin, c’est parce que l’application a ses propres spécificités. « Elle est très jeune, elle a eu un succès fulgurant et son succès commercial n’a pas été accompagné du même engagement à construire les mécanismes de responsabilité. »
L’Arcom demande à la plateforme plus de transparence, et c’est ce que Benoît Loutrel a redit lors de son audition. « Aujourd’hui, on a une asymétrie de l’information beaucoup trop forte entre ces plateformes, la réalité de ce qu’elles font. Cette transparence qui est facile à exiger sur des médias éditorialisés est très dure à construire sur des médias algorithmiques parce qu’ils traitent l’information à l’échelle et en individualisant le contenu. […] Si on veut comprendre ce qu’ils font, il faut comprendre comment ils fonctionnent à l’échelle. Comment est-ce que leur algorithme sculpte l’information. Version très optimiste, ils peuvent, en traitant l’information, mettre en avant les contenus qui renforcent la prise de conscience du besoin de gérer la transition écologique. Version négative, ils peuvent faire le contraire », indique-t-il. « De notre point de vue, il est évidemment qu’il va falloir identifier un risque systémique sur toutes ces plateformes qui est la mise en danger des mineurs. »
Une forte attente des lois européennes pour encadrer TikTok
Face à ce gros chantier, l’Arcom tient à s’appuyer sur les lois européennes et notamment la mise en place du Digital Service Act (DSA), dont les contours sont encore flous pour beaucoup. « Les moyens qui ont été mis à assurer la croissance de l’activité de TikTok l’ont été au détriment de la croissance, de tous les mécanismes de stabilisation. C’est en ça que l’on a dénoncé que le statut quo n’était pas possible. C’est en ça que l’on a dit que les lois françaises ne suffisent pas. Il faut basculer sur la loi européenne. C’est la première urgence maintenant », précise-t-il.
Benoît Loutrel milite donc pour un travail commun en Europe. « Il y a une coopération importante à faire entre ces pays où ces plateformes opèrent, les sociétés civiles, les autorités publiques et les plateformes pour obtenir leur mobilisation là où c’est important au bon moment. » Il va même plus loin. « Nous souhaitons, via le cadre européen, mettre en place l’API de TikTok. » Twitter est l’application qui a ouvert très tôt son API. Meta l’a également fait avec son outil crowdtangle. De cette manière, des recherches peuvent être menées sur ces plateformes et des retours peuvent leur être faits pour qu’elles puissent s’améliorer.
Pour résumer, l’Arcom va s’appuyer sur des directives européennes pour que TikTok réponde aux mêmes exigences que les autres plateformes.