Où TikTok est-il interdit dans le monde?
TikTok. En ce mois de mars en France, le Sénat a lancé une commission d’enquête sur TikTok. L’objectif pour ce travail parlementaire est d’analyser « l’utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données, sa stratégie d’influence ». Car aujourd’hui, dans notre pays on se pose des questions. La première: faut-il bannir TikTok? Les sénateurs se la posent, mais ils ne sont pas les seuls. Le ministère français des Armées s’interroge aussi à ce sujet, alors que l’armée de l’air utilise la plateforme pour réaliser des campagnes de marketing d’influence.
Depuis le confinement en 2020, l’application en France est devenue un véritable allié du quotidien. Appelée auparavant Musical.ly, elle est alors devenue l’endroit où des milliers de jeunes ont laissé exprimer leur passion pour la danse, la cuisine, l’humour ou encore la beauté. En mars de cette même année, dans le monde, 65 millions de nouveaux utilisateurs avaient été recensés selon SensorTower.
L’Hexagone n’a pas échappé à cette tendance. Après plusieurs mois de succès, des créateurs de contenu sont devenus de véritables influenceurs sur la plateforme. En parallèle, des agences ont été fondées pour les accompagner et permettre aux marques d’investir le réseau social. Puis, en plus de ces profils très jeunes, nous pouvons maintenant y retrouver de nombreux politiques. Dans un récent article, nous avons recensé une trentaine de politiciens qui y sont très réguliers. Pourtant aujourd’hui, leur utilisation de la plateforme soulève de nombreuses interrogations.
La liste où TikTok est interdit s’allonge chaque jour
Et si la Chine nous surveillait en collectant nos données? Et s’il lui était possible de nous imposer un contenu? TikTok est-il un espace dangereux pour les occidentaux? Ces questionnements, de nombreux pays et institutions se les posent actuellement et ont déjà pris des directives pour ne pas se laisser dépasser.
- États-Unis
Aux États-Unis, depuis plusieurs mois, le cas de l’application ByteDance est un gros dossier. De nombreux membres du congrès ont demandé à tour de rôle l’interdiction de cet outil le jugeant dangereux. De plus, un projet de loi est actuellement en train d’être réfléchi au Congrès pour aller dans ce sens. Sans oublier que le 27 février dernier, la Maison Blanche a donné 30 jours aux agences gouvernementales pour s’assurer que les employés n’avaient pas l’application chinoise sur les appareils fédéraux.
- Parlement européen et Commission européenne
Cette annonce fait suite à celle du Parlement européen datant du 21 février. « Compte tenu des préoccupations en matière de cybersécurité, notamment en ce qui concerne la protection des données et la collecte de données par des tiers, le Parlement européen a décidé, en s’alignant sur les autres institutions, de suspendre à partir du 20 mars 2023 l’utilisation de l’application mobile TikTok sur les appareils des entreprises », a expliqué l’institution dans un communiqué de presse. Le 23 février, c’est la Commission européenne qui a interdit à ses collaborateurs d’installer l’application sur ses outils professionnels afin de « protéger les données de l’institution ».
- Canada
Et ça n’est pas tout. À la fin du mois de février, le commissariat canadien à la protection de la vie privée a annoncé avoir lancé une enquête sur TikTok visant à établir sa conformité aux lois canadiennes. Seulement quelques jours plus tard, le gouvernement du Canada estime que l’application les met face à « un niveau de risque inacceptable » et a fait supprimer TikTok des outils informatiques fournis à son personnel.
- Belgique
Un peu plus tard au mois de mars, le 10 pour être exact, le conseil national de sécurité de la Belgique a demandé aux employés des ministères, ainsi que ceux des cabinets et services de la fonction publique de retirer l’application TikTok de leurs appareils professionnels. « L’application TikTok sera désormais interdite au niveau fédéral. Une décision logique et nécessaire », a commenté le vice-Premier ministre Georges Gilkinet (Ecolo) à La libre Belgique.
📱L'application #TikTok sera désormais interdite au niveau fédéral.
Une décision logique et nécessaire.
J'attendrai donc pour essayer d'y rivaliser avec la créativité sans borne de l'excellente @pdsutter.
Mais je reste à votre disposition sur Facebook et Twitter 🤩.
A bientôt ! pic.twitter.com/CKUcIbOop0— Gilki (@GeorgesGilkinet) March 10, 2023
- Danemark
La veille de cette décision prise par la Belgique, le service public danois a conseillé à ses collaborateurs de ne pas utiliser TikTok sur leurs téléphones pros, pour des raisons de sécurité. Des téléphones spéciaux pour TikTok sont mis à la disposition des journalistes.
- Royaume-Uni
Au mois de mars, c’est au tour du Royaume-Uni de prendre une décision. Le 16 mars, le gouvernement interdit « avec effet immédiat » l’utilisation de TikTok sur les appareils gouvernementaux. « Étant donné le risque particulier autour des appareils du gouvernement, qui peuvent contenir des informations sensibles, il est à la fois prudent et proportionné de restreindre l’utilisation de certaines applications », a ainsi expliqué le ministre Oliver Dowden.
BREAKING: The UK will ban the use of TikTok on government phones with immediate effect, Cabinet Office Minister Oliver Dowden says, calling it a "precautionary move" over security fears https://t.co/dDRJa0uM4z pic.twitter.com/Km9q2HcL4v
— Bloomberg UK (@BloombergUK) March 16, 2023
- France
Le 24 mars, les agents de la fonction publique n’ont plus le droit d’avoir des applications « récréatives » sur leur appareil professionnel. TikTok est de ce fait concerné. Netflix ou encore Candy Crush sont également dans ce cas.
🗣 TikTok interdit sur les téléphones professionnels des fonctionnaires ➡️ “Pour des raisons de sécurité, on a pris cette décision. Et puis pour des raisons de bons sens : des applications de jeux n’ont pas leur place sur les téléphones portables”, dit Stanislas Guerini. pic.twitter.com/4Kj2jlhItW
— franceinfo (@franceinfo) March 30, 2023
- Australie
Au début du mois d’avril, le gouvernement australien bannit TikTok des appareils professionnels, à la suite de conseils donnés par les services de renseignement australiens.
- Inde
Bien avant tout ce remue-ménage, l’Inde avait déjà interdit l’application de ByteDance. En juin 2020, « le gouvernement indien a décidé de ne plus autoriser l’usage de certaines applications. […] Cette décision vise à assurer la sécurité et la souveraineté du cyberespace indien », avait alors déclaré le ministère des technologies de l’information dans un communiqué de presse. Parmi les 59 outils bannis du territoire à ce moment-là, il était possible d’y retrouver TikTok ainsi que We Chat.
Qu’est-ce qui pose problème sur TikTok?
La liste des pays voulant interdire l’utilisation de TikTok par des personnes ayant accès à des informations sensibles s’allonge. Mais qu’est-il reproché à TikTok? Les experts en sécurité des données de Wisetek ont examiné la politique de confidentialité de TikTok. « L’application TikTok collecte une quantité importante de données, bien plus que ce qu’une personne qui ne s’y connaît pas peut imaginer, surtout si l’on considère que la grande majorité des utilisateurs de TikTok sont relativement jeunes », détaillent-ils dans un récent communiqué de presse.
Ces spécialistes ont ainsi fait la liste de toute cette data collectée. TikTok pré-enregistre le contenu des utilisateurs depuis leur téléphone. TikTok a accès aux contacts. TikTok lit les messages envoyés. TikTok recueille les informations relatives au paiement par carte et l’historique des achats. TikTok collecte automatiquement des informations de localisation via la carte SIM et l’adresse IP. Sans oublier tout ce qui est en lien avec l’âge des utilisateurs, le type de contenu apprécié, les personnes de notre entourage ou encore l’accès à nos adresses mails.
L’accès à ces données fait débat depuis un certain temps. Mais les actions commencent peu à peu à arriver. En France, en janvier dernier, la CNIL a sanctionné TikTok à hauteur de 5 millions d’euros. La raison? « Les utilisateurs de « tiktok.com » ne pouvaient pas refuser les cookies aussi facilement que les accepter et ils n’étaient pas informés de façon suffisamment précise des objectifs des différents cookies », est-il détaillé dans un communiqué de presse.
Quelle est la défense de TikTok après cette série d’interdiction?
De nombreux porte-paroles où hauts dirigeants de TikTok ont récemment pris la parole pour se défendre. À la suite de la décision prise par la Commission européenne et le Parlement européen, quelqu’un au sein de l’application a confié qu’ils étaient « déçus de cette décision, que nous croyons erronée et fondée sur des idées fausses ». L’équipe a poursuivi en indiquant avoir « sollicité une réunion afin de rétablir la vérité et expliquer comment nous protégeons les données. »
Sur LinkedIn, le Vice President Europe de l’application, Theo Bertram, a demandé à ce que TikTok soit reçu pour « rétablir les faits ». « Il est important de distinguer les préoccupations politiques concernant TikTok des préoccupations au niveau de la sécurité. Alors que certaines questions sur TikTok sont devenues politisées, nous prenons très au sérieux les préoccupations de sécurité nationale », précise-t-il, avant de lister ce qui est mis en oeuvre en Europe pour y parvenir. « Nous continuons d’améliorer notre approche de la sécurité des données: établir trois centres de données en Europe pour stocker les données des utilisateurs localement; réduire davantage l’accès des employés aux données; et minimiser les flux de données en dehors de l’Europe ».
En France, le réseau social n’a pas encore réagi au travail mené par le Sénat. Sur LinkedIn, Arnaud Cabanis, managing director global business solutions, communique davantage sur les nouvelles fonctionnalités développées par la plateforme. Par exemple, le 1er mars, il a confié que « d’ici quelques semaines, tous les comptes d’utilisateurs de moins de 18 ans se verront automatiquement appliquer une limite de 60 minutes de temps d’écran quotidien ».
Aujourd’hui, TikTok est l’une des applications les plus utilisées en France, mais aussi dans le monde où elle se positionne à la sixième place, selon le dernier Digital Report de We Are Social. C’est aussi sur la plateforme que les utilisateurs des réseaux sociaux passent le plus temps, à savoir 23h par mois en moyenne. N’oublions pas non plus que l’application compte à ce jour plus d’1,7 milliard d’utilisateurs actifs mensuel.