Le projet de l’Everest d’Inoxtag soulève plusieurs réflexions sur l’avenir de la Creator Economy en France

Le projet de l’Everest d’Inoxtag soulève plusieurs réflexions sur l’avenir de la Creator Economy en France

Inoxtag. Inoxtag est de retour en cette rentrée 2024 avec « le plus gros projet de sa vie ». Voilà déjà plus d’un an que le YouTubeur s’est fixé comme objectif de gravir l’Everest. Les 13 et 14 septembre prochains, sa communauté va enfin connaître le dénouement: a-t-il oui ou non réussi son pari? Avec les avants-premières de Kaizen, son documentaire sur toute cette aventure, au cinéma, puis sa publication sur YouTube, le créateur de contenu va les embarquer dans son histoire. Déjà dans le trailer, on nous spoile des moments de doute, des moments remplis d’émotions avec les paroles de ses parents et de superbes images du Népal.

Si Inoxtag est plutôt applaudi par ses amis créateurs de contenu et mis en avant par Webedia en cette rentrée, son projet de l’Everest continue de soulever de nombreuses questions. Les premières concernent évidemment les enjeux écologiques d’une telle expédition. D’autres s’interrogent sur le message de fond valorisé par le vidéaste, à savoir le dépassement de soi. Néanmoins, son carton au cinéma montre un beau visage de ce qu’est réellement le monde de l’influence.

L’Everest, le nouveau lieu touristique des réseaux sociaux ?

Pour celles et ceux qui souhaitent se lancer des défis, il est vrai que l’Everest peut assouvir leurs besoins d’aventure. 8850m, le toit du monde, « sommet le plus emblématique de la planète ». Bref, les arguments sont nombreux pour se laisser tenter. Le souci, c’est qu’aujourd’hui, beaucoup trop de monde en a envie. « Il n’y a pas assez de sélectivité dans la délivrance des permis d’ascension », confiait en avril 2023 à 20 minutes, Eric Bonnem, fondateur d’Expeditions Unlimited. Selon de récents chiffres, le nombre de personnes ayant entamé l’ascension en 2010 était de 200. Cette donnée a plus que doublé en 2023, pour atteindre les 478 personnes. Et bien évidemment, le nombre de grimpeurs décédés ne cessent d’augmenter.

Face à ces chiffres et à ces faits, le challenge est d’autant plus grand. Réussir l’ascension de l’Everest, c’est se dépasser, rechercher cette adrénaline et montrer aux autres que l’on est capable de le faire. Ces messages sont également véhiculés par Inoxtag depuis plus d’un an. « Le storytelling autour du dépassement de soi doit être remis dans son contexte dans le cadre de l’ascension de l’Everest. Celui d’une montagne qui est fortement impactée par la surprésence humaine. La quête du dépassement de soi ne doit pas justifier des comportements qui ont des impacts important sur les écosystèmes naturels fragiles« , explique Amélie Deloche, cofondatrice du collectif Paye ton influence, au média Les Gens d’Internet.

Cet élément autour du changement climatique est laissé de côté par Inoxtag (peut-être qu’il abordera le sujet dans son documentaire?). « On sait aujourd’hui que les glaciers sont énormément impactés par le changement climatique et que beaucoup sont déjà voués à disparaitre. Il y a par ailleurs avec l’Everest une problématique supplémentaire qui est celle des déchets laissés par les grimpeurs qui s’accumulent malgré la recrudescence des expéditions pour aller les retirer », poursuit Amélie Deloche. Mais le problème n’est pas seulement ce souci de transparence de la part d’Inoxtag. Son projet d’ascension du plus haut glacier du monde répond à une tendance qui pousse les utilisateurs des réseaux sociaux à se rendre en masse sur des lieux naturels et à les détruire.

« Aujourd’hui, l’Everest fait face à une forme de tourisme de masse. L’ascension est devenue un énième endroit où de plus en plus de personnes vont seulement pour prendre leurs photos en haut de la montagne pour montrer à tout le monde qu’ils y étaient ou qu’ils ont réussi. Ça ne devient plus un enjeu personnel, mais un objectif à montrer aux autres que l’on a également pu le faire « , conclut Amélie Deloche.

Le dépassement de soi véhiculé sur les réseaux sociaux

C’est bien là tout le souci des réseaux sociaux. Les messages positifs à la base se transforment malgré eux pour engendrer des comportements nocifs pour notre environnement. Mais pas seulement. Pour nous même aussi. Depuis plusieurs années, Inoxtag a choisi de retravailler son image, passant du gamer à un jeune adulte voulant prôner le dépassement de soi. Déjà, rien qu’avec ces mots, certains y voient un problème. C’est le cas du philosophe praticien Éric Delassus. Dans un article publié sur LinkedIn, il précise que « cette aberration sémantique oblige à vivre en permanence dans l’insatisfaction de soi, dans l’insuffisance et l’inaccomplissement. »

Si l’on fait le parallèle avec Inoxtag, on se rend compte que l’Everest est la suite logique de ce qu’il a accompli en ligne. Il s’est déjà challengé en restant seul sur une île déserte, réalisé plus de 300km à vélo ou encore dormi dans une forêt hantée. Des concepts bien pensés pour les réseaux sociaux, mais où l’envers du décor est le suivant: toujours chercher à faire plus. Ce sentiment est notamment drivé par MrBeast, l’Américain premier YouTubeur du monde, qui repousse les limites du possible dans chacune de ses vidéos.

Cette envie de se dépasser pour grimper l’Everest pousse certains spécialistes à avoir un oeil plus critique. « La plupart des gens qui vont là-bas ne s’intéresse pas à la montagne et veulent faire le sommet, rien que pour l’ego », confiait à BFM TV, Pascal Tournaire, photographe habitué de l’Everest. Il se demande quelques lignes plus loin « quel est l’intérêt? ». Si Inoxtag a déjà répondu à cette question, justifiant son besoin de tester ses limites, la question peut être posée et mise en avant pour le reste des créateurs de contenu.

Car Inoxtag fait partie des plus suivis en France. Voir l’un des premiers YouTubeurs de l’Hexagone réfléchir à des contenus toujours plus gros incite inévitablement à vouloir faire la même chose, parfois en oubliant les risques.

Les marques dans le projet de l’Everest

Inoxtag reste cependant transparent avec sa communauté, n’hésitant pas à préciser dans ses contenus qu’il faut être accompagné de professionnels pour réaliser telle ou telle activité. D’ailleurs, l’alpiniste François Damilano a souhaité faire taire les critique à ce sujet, dans un article publié par Franceinfo. « Inoxtag est venu dans les Alpes, il a pratiqué l’escalade en cascade de glace, il a fait des bivouacs en hiver, il a découvert le ski de randonnée. Ils sont allés une première fois au Népal et ont fait un sommet, pas si facile que ça. Ce qui fait que quand il est parti à l’Everest, il était bien plus préparé que la plupart des prétendants qui sont à la queue leu leu le jour du sommet ». Des entraînements qui n’ont pas manqué à sa communauté, qui a pu suivre tout ça sur les réseaux sociaux du créateur.

Cette préparation et cette envie de se dépasser semblent aussi être bien passé auprès des marques. Car pour embarquer des entreprises dans un tel projet, des fonds ont été nécessaires, une enveloppe « à 7 chiffres ». Et ce message du dépassement de soi répond à de nombreux critères et objectif de communication. Notamment chez Nike, l’un des sponsors du projet. Inoxtag a réalisé plusieurs contenus et événements aux côtés de la marque pour partager ce message.

Par ailleurs, ce projet a aussi permis à Orange de s’associer au YouTubeur pour réaliser une campagne vidéo sur les réseaux sociaux, valorisant la déconnexion. Pour réaliser ce projet, le créateur de contenu s’est concentré sur lui et a déserté les réseaux sociaux durant plusieurs mois. Des temps forts de communication qui ont permis à l’équipe d’Inoxtag de mener à bien ce projet et aux annonceurs d’être présents sur les réseaux sociaux.

Un carton au cinéma, un bel exemple d’influence

Néanmoins, sans l’ensemble de ces sponsors, difficile pour Inoxtag et son équipe de créer un événement autour de ce projet, qui a emmené sa communauté. Grâce à l’argent réuni, l’expédition a pu avoir lieu, mais un tournage a également pu être réalisé. Ces images vont être vues par le grand public ce vendredi 13 septembre dans plusieurs centaines de salles de cinéma. Si Inoxtag était inconnu de ce milieu, aujourd’hui les gérants des salles obscurs sont tous unanimes: il y a eu un réel engouement autour de ce projet, ramenant au cinéma, une communauté plutôt jeune.

Des villes comme Dieppe ont dû ouvrir une seconde salle pour diffuser le film. Et la tendance est visible partout. « Les places sont parties en dix minutes. Une grosse production hollywoodienne ne donne pas rendez-vous à un horaire précis. Là, c’était complètement fou. J’étais derrière ma caisse. Je mets les places en vente, et je voyais la jauge descendre à une vitesse comme je ne l’ai jamais vue. Toutes les secondes, il y avait une dizaine de places qui partaient », confie François Lesuisse à Franceinter, gérant du cinéma Le Grand Palace des Sables-d’Olonne en Vendée.

Ce documentaire est attendu des abonnés du YouTubeur, mais également de la profession. C’est un projet qui met en lumière la création sur le Web, et qui peut lui donner une belle visibilité, montrant le travail incroyable des équipes. « Avec Inoxtag, Basile Monnot (le réalisateur) et Quentin Eiden (le monteur), nous avons passé deux mois à travailler le documentaire, en se relayant parfois jour et nuit. C’est un délai très court pour un film de cinéma avec de la qualité et du fond, alors nous vivions en coloc’dans la salle de montage », précise Samy Bouyssié, le producteur de Kaizen, à La Dépêche.

Ce vendredi 13 septembre, Inoxtag et son projet vont être scrutés avec attention, ne manquant pas de faire réagir.

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