TikTok. Depuis le 13 mars, une commission d’enquête au Sénat concernant TikTok est menée. Durant ces quatre mois, une douzaine de sénateurs ont entendu des experts en psychologie, en neurologie, en géopolitique… Ils ont également pu entendre deux dirigeants de TikTok France ainsi que le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, Jean-Noël Barrot. L’objectif de tous ces entretiens étaient de comprendre comment l’application fonctionne, si elle est dangereuse pour les utilisateurs français, où vont ses données et quelle est la stratégie d’influence la concernant.
« Au terme de 4 mois d’investigations et après une trentaine d’auditions d’experts, de chercheurs, de responsables politiques ainsi que des dirigeants de TikTok France, la commission d’enquête sénatoriale sur l’utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données, sa stratégie d’influence dévoile les conclusions de son rapport », indique un communiqué de presse. Ce jeudi 6 juillet, le sénateur Claude Malhuret, rapporteur de cette Commission a présenté les conclusions de ce rapport. Que faut-il en retenir?
TikTok France a-t-il un lien avec la Chine? Voici le retour des sénateurs
Le premier commentaire apporté par Claude Malhuret tient en un seul mot: opacité. « Il y a une chose qui nous a frappé, c’est un oxymore, que j’appellerai une transparence opaque. On a tous été frappé par le fait que TikTok annonce partout, y compris dans l’ensemble des pays, sur ses sites, sur sa politique de confidentialité, dans les auditions, dans les courriers, le mot de transparence. On a l’impression que c’est un des slogans choisi par cette plateforme pour se décrire », explique-t-il en introduction. Malgré les nombreux échanges réalisés, les Sénateurs restent fermes, il est impossible de connaître véritablement tous les aspects de l’application, car l’entreprise ne le souhaite pas. « On a cette impression à la fin de cette commission d’enquête, qu’il y a une opposition entre les protestations de transparence et la réalité qui est celle d’une opacité, manifestement voulue », poursuit-il.
Après avoir rappelé ce point, le Sénateur a pris le temps de revenir sur les aspects de TikTok qui posent aujourd’hui problème. Il a d’ailleurs débuté avec un résumé assez clair de ce que retient cette commission d’enquête: TikTok France appartient bien à la Chine. « Bytedance et TikTok sont dépendants de la Chine sur tous les plans: technique, capitalistique, juridique et sur le plan politique. Les dirigeants de TikTok passent leur temps à dire le contraire, que c’est une société américaine et qu’il n’a pas de lien avec la Chine. Toutes ces déclarations sont fausses, il est assez facile de le prouver », indique Claude Malhuret.
Sur le plan capitalistique et juridique, TikTok France appartient à la branche UK, qui appartient à ByteDance Ltd., lui-même sous gérance de la Chine. « Il est difficile, voire impossible, d’accéder aux détails des associés et des actionnaires. » Côté technique, « TikTok France, comme tous les autres, ne peut fonctionner sans les services de Douyin Chine. C’est en Chine que sont réalisées les principales opérations techniques. Tous les brevets, des milliers de brevets, sont dépensés par Beijing ByteDance Technology. Tous les brevets appartiennent à la société ByteDance Chine, et non ByteDance international. » Les ingénieurs travaillant sur l’algorithme sont basés en Chine. « Les risques qui en découlent sont évidents: risques d’espionnage, de chantage, de désinformation au profit du régime chinois », poursuit le sénateur.
Enfin sur le plan politique, Claude Malhuret est revenu sur le lien entre les entreprises chinoises et le parti communiste chinois. Il précise qu’une nouvelle loi a été votée et concerne l’extraterritorialité pour les Chinois qui habitent en-dehors de la Chine. Cette loi existe également du côté des Américains, « mais ce n’est tout à fait la même chose ». Cette dépendance à tous les niveaux ont fait que certains pays ont décidé d’interdire l’application sur les mobiles des fonctionnaires et des politiques.
Quelle est la suite pour TikTok en France?
En fin du rapport rédigé sur TikTok France, les sénateurs ont listé un certain nombre de recommandations. L’application a un délai de six mois pour les mettre en application. « Ce délai ne court pas depuis aujourd’hui, mais depuis 5 ans où rien n’a été réalisé », se justifie Claude Malhuret. Il est demandé au réseau social d’être plus transparent sur plusieurs points: apporter des réponses attendues sur le capital, détailler le statut et les actionnaires de la société ByteDance, partager les coordonnées de sa principale maison-mère située dans un paradis fiscal ainsi que les détails de l’algorithme, la nature des données des utilisateurs transférés en Chine et les raisons du transfert, un certain nombre de précisions sur le projet Clover.
« Faute de cela, nous estimons qu’il y a un risque pour la sécurité nationale, notamment, mais aussi pour le bien-être des utilisateurs et des enfants. Nous demanderons que des mesures d’urgence soient prises, éventuellement pouvant aller jusqu’à une suspension tant que les données facilement communicables ne le sont pas, car ça témoignerait d’une mauvaise volonté. »