Influence marketing. En France, le secteur de l’influence n’a cessé de se structurer ces derniers mois. Des agences se sont rapprochées, d’autres ont disparu et très peu d’acteurs ont fait leur apparition. Rassurez-vous, il semblerait que l’industrie française ne soit pas la seule concernée. Ce jeudi 15 mai, plusieurs créateurs de contenu belges ont pris la parole dans des stories Instagram pour alerter sur une situation. « À tous les copains créateurs de contenu qui me suivent : ne travaillez pas avec l’agence d’influence Influo. Ils sont officiellement en faillite et nous ne payerons donc jamais », indique Marius.
Sur le site Banque-Carrefour des entreprises, il est en effet précisé que la société Influo est déclarée en faillite depuis le 14 mai 2024. L’entreprise avait deux offres: une partie plateforme où les marques et les créateurs pouvaient s’inscrire pour trouver/poster des campagnes et une partie agence qui gérait les stratégies de plusieurs marques. Pour rémunérer les créateurs avant la campagne, les annonceurs devaient payer en amont. Mais d’après le site Companyweb.be, l’entreprise enregistrait des pertes considérables chaque année.
Malgré la situation financière, l’équipe a pu travailler avec de gros clients, comme Decathlon, Caudalie ou encore SNCB, la SNCF belge. depuis de nombreux mois, la société ne payait pas les influenceurs pour leurs partenariats. « Les paiements ont toujours mis un peu de temps à arriver, donc je ne me suis pas plus inquiété », confie au site Les Gens d’Internet, Marius, créateur de contenu. Mais le temps d’attente a commencé à durer. « L’agence me doit de l’argent depuis novembre 2023, à hauteur de 14.000 euros », poursuit-il. Et il est loin d’être le seul.
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Des créateurs belges qui se réunissent pour se soutenir
Avec Leslie cuisine, Marius a créé un groupe dans lequel se sont réunis tous les créateurs de contenu belges et néerlandais concernés par la situation. Il est constitué de plus de 70 profils qui alimentent un tableau Excel pour recenser tous les impayés. « Pour le moment, on est déjà à plus de 100.000 euros, pour des tarifs de collaboration allant de 200 à 14.000 euros », nous explique Marius. Une juriste les soutient également dans leur démarche pour entamer des actions en justice, en espérant retrouver leur argent. « Au-delà du montant, c’est frustrant de ne pas être payé pour notre travail. Nous avons dépensé de l’énergie et du temps sur ces campagnes », soupire Marius. De son côté, il a également investi de l’argent dans des trajets pour créer le contenu ainsi que dans du matériel et des professionnels de la vidéo.
Si cette situation est difficile à vivre pour les créateurs, elle est rassurante d’un autre côté. « Cette actualité nous soude et montre qu’entre créateurs de contenu, nous nous soutenons. Je vois toujours le positif dans chaque problème, et c’est chouette de voir que l’on peut compter les uns sur les autres », rassure Marius. Selon le créateur, les chefs de projet au sein de l’agence ont également appris comme eux que l’entreprise était en faillite. « Des propositions de campagnes ont même été envoyées le jour de la faillite. Certains ont tenté de contacter le fondateur qui leur a répondu que l’entreprise était fauchée et qu’il ne pourrait pas nous payer ».
Une faillite qui met des marques dans l’embarras
D’un autre côté, les annonceurs aussi se retrouvent dans une situation délicate. Certaines marques ont payé Influo pour des projets sur l’année. Ils ne pourront pas être finalisés, car tout l’argent de l’influence a été investi. L’une de ces marques a échangé avec le groupe de créateurs pour être transparente. « Nous avons payé Influo pour un an en termes de gestion, et nous avons donc perdu cet argent et nous pouvons pas investir dans une autre agence ou un autre outil. Nous avons également déjà payé une grande partie du budget « créateur » à l’agence. Donc toutes les campagnes qui ont eu lieu en 2024, nous avions déjà payé Influo », indique une entreprise.
Pour faire le point, cette même société demande à l’ensemble des créateurs un « résumé » de ce qui a été fait. À l’heure actuelle, cette marque se retrouve dans l’impasse et doit donc stopper toute sa communication influence, n’ayant plus le budget suffisant pour payer les créateurs et une autre équipe. Elle se laisse le temps d’analyser la situation et de voir ce qu’il est possible de faire en seconde partie d’année.
L’annonce de la faillite semble avoir étonné l’ensemble du secteur de l’influence belge. Influo avait levé plus de 600.000 euros en 2018 et avait su se faire une place dans l’industrie, depuis 2019. Le CEO nous a donné davantage de détails sur la situation de l’entreprise :
« Nous n’avons jamais réussi à trouvé un modèle commercial rentable. Cela était dû à différents facteurs : la maturité du marché, la partie SaaS qui ne se vendait pas suffisamment, les coûts de la technologie, les marges sur les services d’agence,… Nous avons donc toujours dû financer la société avec du capital-risque et des prêts. Nous avons contracté un prêt corona du gouvernement (PMV) que nous ne pouvions pas rembourser et qui n’était pas disposé à faire preuve de flexibilité. Cette réticence nous a empêchés de recevoir des fonds supplémentaires de la part de nos actionnaires. Nous avons lutté avec acharnement pour trouver une solution, mais le prêt du gouvernement a bloqué toutes les solutions possibles. Le problème principal était donc : une entreprise non rentable », confie au site Les Gens d’Internet Maarten Kesteloot, CEO d’Influo.
Il a également un mot pour les créateurs. « Les créateurs sont les victimes de cette faillite […] Nous leur avons donné beaucoup en retour pendant toutes ces années et l’industrie a beaucoup progressé grâce à des sociétés comme Influo ; nous avons créé une belle histoire ensemble. Bien sûr, ce n’est pas ce qu’un influenceur touché par la faillite d’Influo veut entendre maintenant, mais c’est la réalité de la situation », conclut-il.