TikTok. Depuis le lundi 13 mars, la commission d’enquête au Sénat concernant TikTok a débuté. L’objectif est de comprendre comment l’application fonctionne, où vont ses données et quelle est la stratégie d’influence la concernant. Pour mener à bien ce travail, un Bureau a été constitué d’une douzaine de sénateurs. Mickaël Vallet, sénateur socialiste de Charente-Maritime, dirige les discussions. Il est accompagné de Claude Malhuret, sénateur de l’Allier, en tant que rapporteur. Ils sont entourés d’une dizaine de vice-présidentes et vice-présidents présents lors des échanges avec les spécialistes.
« L’actualité aux États-Unis, au Canada, et en Europe, confortent notre initiative au Sénat. Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que TikTok n’est pas un instrument potentiel de désinformation ou de manipulation au profit de régimes non démocratiques, ni que son utilisation est sûre au regard de la nécessaire protection des données. La commission d’enquête permettra de faire toute la lumière sur ces questions et fera des recommandations », indique Claude Malhuret sur le site du Sénat.
Les auditions de la commission d’enquête sont diffusées en direct et sont disponibles en replay sur YouTube. Nous avons pris le temps de les regarder en intégralité pour vous faire un résumé de ce qu’il s’est dit. Le 19 juin, les Sénateurs ont terminé l’ensemble des auditions avec l’intervention de Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications. « Sur plusieurs sujets, nous n’avons pas obtenu des réponses aussi précises que ce qu’on nous attendions », indique en introduction Mickaël Vallet, sous-entendant qu’avec cet échange, il souhaiterait en avoir.
Les trois aspects soulevés par Jean-Noël Barrot lors de son audition sur TikTok au Sénat
Jean-Noël Barrot a déjà échangé avec l’équipe de TikTok le 8 mars dernier. De ce qu’il en a retenu, et de ce qu’il sait de l’application chinoise, le ministre a souhaité concentrer son intervention sur trois points: « la sécurité et la protection des données personnelles des citoyens, les conséquences addictives et cognitives inhérentes à l’utilisation de TikTok et enfin, une réflexion sur les implications géopolitiques inévitables qui accompagnent ces questions. »
La première partie concerne le RGPD, un aspect qui est encore loin d’être bien suivi par la plateforme. La CNIL a sanctionné le réseau social en décembre dernier, a payé une amende de 5 millions d’euros. Jean-Noël Barrot évoque également le traitement des données, un point qui reste encore flou. « Je serai intransigeant. TikTok doit traiter toutes les données en Europe, avec des structures qui garantissent l’impossibilité technique, de les envoyer dehors du continent. C’est tout simplement l’esprit et la lettre du RGPD », précise-t-il.
Il poursuit sur le côté addictif de TikTok, notamment dû à son algorithme de recommandations. « Ne soyons pas naïfs. L’algorithme de TikTok n’est pas neutre, il favorise certaines vidéos, certains messages, certains comportements en fonction d’objectifs commerciaux plutôt que d’intérêts sociaux ou éducatifs », souligne Jean-Noël Barrot. Le ministre demande également à l’application de se mettre en conformité sur plusieurs points: mettre fin aux publicités ciblées sur les mineurs, et proposer un audit annuel pour jauger de la bonne santé de ses utilisateurs. Si ces conditions ne sont pas respectées, une amende peut être demandée allant jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires, soit environs 560 millions d’euros, et pouvant aller jusqu’à une interdiction d’opérer en Europe.
Enfin, sur le troisième aspect concernant les réflexions liées à la géopolitique, « un fait est incontestable », indique le ministre. « TikTok symbolise le premier cas de la tech grand public qui réussit aussi bien voire mieux que les Américains sur leur propre terrain. Ceci reflète l’ambition technologique de la Chine et l’activisme dont elle a fait preuve ces derniers années. »
Au niveau international, il n’y pas une règle concernant TikTok et il n’y en aura pas forcément, souligne Jean-Noël Barrot. « Il n’y a pas d’harmonisation au niveau mondial de la régulation de l’espace numérique, mais s’il y a un sujet sur lequel le consensus peut se former et à mon sens se formera, c’est sur celui de la protection de l’enfance en ligne. Et sur ça, la meilleure des batailles, est la vérification de l’âge. Je pense que la pression va s’accroître », conclut-il.