Influence marketing. Beaucoup de marques avec qui nous faisons des publications d’influenceurs nous demandent fréquemment les droits sur les contenus produits soit pour les réutiliser dans leurs campagnes marketing (Facebook Ads, MashUp, Newsletters, publications sur leurs réseaux sociaux ou sites web), soit simplement pour médiatiser les contenus ainsi produits par les influenceurs et leur donner plus de visibilité.
Or ce n’est pas parce qu’une marque a payé un contenu d’un influenceur (ou a obtenu ce post en échange d’un produit ou service offert) qu’elle peut en faire ce qu’elle veut! Il faut que l’influenceur accepte de céder ses droits et que l’utilisation à venir de ce contenu soit clairement explicitée.
Comme le précise Maître Clara Benyamin, avocate en droit de la propriété intellectuelle: « L’influence marketing n’est pas une zone de non droit. En effet, ces activités s’inscrivent dans des secteurs réglementés et se voient appliquer plusieurs textes de loi, portant notamment sur la liberté d’expression, le droit d’auteur et le droit de la communication. »
Ce que peut faire la marque sans l’autorisation explicite de l’influenceur
Elle peut librement utiliser les outils de partage des réseaux sociaux. En effet, en utilisant ces réseaux, l’influenceur a accepté les CGU qui permettent le partage de ses posts (sauf fonctionnalité de départage présente sur certains réseaux). Par exemple, une marque peut librement partager sur sa page Facebook le lien vers la vidéo YouTube de l’influenceur. Et sauf condition de confidentialité explicitement évoquée dans le contrat/bon de commande de l’influenceur, elle peut évoquer la collaboration avec l’influenceur mais a priori sans reprendre l’image de l’influenceur (sauf outil de partage ci-dessus évoqué).
Ce que ne peut pas faire la marque?
Tout le reste et notamment, une marque ne peut pas:
- Télécharger, récupérer, modifier et diffuser le contenu de l’influenceur sur ses réseaux.
- Faire un Regram (faire une capture d’écran de l’influenceur et reposter l’image).
- Faire un un mash-up (montage de séquences vidéo de l’influenceur) non plus
- Encore moins utiliser l’image de l’influenceur sur des affiches, flyers, pubs TV ou radio…
La médiatisation d’un post d’un influenceur n’est a priori pas possible non plus sauf autorisation explicite soit contractuelle, soit via les outils de médiatisation (cf fonctionnalité Instagram de médiatisation des contenus des influenceurs: le Branded Content Ads)
Quels sont les risques pour les marques?
Si une marque utilise l’image et/ou le contenu d’un influenceur sans son accord explicite, elle est susceptible d’engager sa responsabilité sur plusieurs fondements, par exemple la contrefaçon et l’atteinte au droit à l’image. Dans ce contexte, la marque s’expose à des sanctions qui peuvent prendre la forme de dommages et intérêts au profit de l’influenceur. « Les risques encourus par la marque ne sont pas des moindres puisque l’influenceur est en droit de réclamer des sommes à la hauteur de son préjudice, par exemple de son manque à gagner, qui peut être très important en fonction de sa notoriété », déclare Maître Clara Benyamin.
Quels sont les risques pour les influenceurs?
Non seulement l’influenceur a un manque à gagner potentiel (la marque ne rétribue pas son droit à l’image et ses contenus), mais surtout l’influenceur s’expose à des risques complémentaires. En effet, l’influenceur est responsable des contenus qu’il produit.
Or, les contenus peuvent enfreindre la loi sur différents aspects, dont voici quelques exemples:
- l’utilisation d’une photographie d’un tiers sans son accord, au mépris du droit d’auteur,
- la publication de propos diffamatoires,
- la mauvaise identification d’une communication commerciale qui peut s’apparenter à une pratique commerciale trompeuse.
De plus, l’ampleur du tort causé est proportionnel à l’audience touchée par la publication.
Donc, si un annonceur dont les réseaux sociaux regroupent un très grand nombre d’abonnés, re-publie sans accord le contenu d’un influenceur, les deux parties prenantes s’exposent à ce qu’un important public potentiel consulte une publication illégale. « Ce risque d’effet boule de neige peut être évité en encadrant la relation entre la marque et l’influenceur, ce qui peut prendre la forme d’un contrat », précise Maître Clara Benyamin.
Les mauvaises pratiques voire les pratiques « border line » de certaines plateformes d’influence marketing
Si, sur les top influenceurs, la gestion des droits à l’image est assez classique et plutôt bien gérée via des contrats en bonne et due forme (au moins chez les agences professionnelles – cf paragraphe ci-dessous sur les bonnes pratiques), certaines plateformes de micro voire nano influence ont des pratiques border line qui font prendre un risque pour les influenceurs et pour les marques.
Par exemple certaines plateformes font payer aux marques un abonnement à la cession des droits … quand elles se contentent de mettre dans leurs CGU pour les influenceurs un paragraphe du type: « L’utilisateur autorise la marque à reproduire et représenter son image ainsi que des personnes représentées dans ces contenus pendant une durée de cinq ans ». L’influenceur n’est même pas au courant (s’il n’a pas lu en détail les CGU) de la cession des droits qu’il fait à la marque … et cette dernière pense qu’elle a acheté les droits en toute bonne foi alors que l’influenceur n’a pas été clairement informé.
Bref, la plateforme s’enrichit, ne reverse rien aux influenceurs et leur fait prendre potentiellement des risques ainsi qu’aux marques.
Maintenant à la décharge des plateformes, il n’est pas non plus matériellement possible de faire signer des contrats de cessions de droits à tous les influenceurs (ces plateformes gèrent des dizaines de milliers de publications chaque mois). Mais pour rester dans la légalité sans faire prendre de risque aux marques, des solutions simples peuvent être mises en place.
Les bonnes pratiques
Pour les top influenceurs, faire signer un contrat en bonne et due forme est nécessaire. Ce contrat doit notamment indiquer:
- Qui sont les Parties au contrat et leurs coordonnées,
- Les obligations réciproques de chacune des Parties: nature du contenu, fréquence, étendue de la cession des droits d’auteur, modalités de validation de contenus, forme de la compensation ou de la rémunération …,
- Garanties que s’accordent les Parties.
Pour les plateformes de micro et nano influence, il est indispensable d’indiquer à l’influenceur AU MOMENT où il postule, quel est le cadre de la cession de droit. Idéalement une signature électronique serait requise. Maintenant, une case à cocher pour valider des conditions claires de la cession de droit avec enregistrement de l’ip, date et heure de l’acception peut se défendre aisément. Sur Influence4You, c’est ce que nous proposons puisque au moment de la postulation, quand la marque demande une cession de droit, l’influenceur doit valider un paragraphe du type:
« En échange de sa rémunération ou du produit ou service gratuit, l’influenceur (le Cédant) autorise la Marque à exploiter les contenus créés ainsi que son droit à l’image qui y est lié lors de l’opération « [CampaignTitle] ».
L’influenceur autorise la Marque (« [brand] ») à utiliser les contenus créés dans le cadre de cette opération ainsi que l’image de l’Influenceur liée à ces contenus dans le cadre de ses dispositifs de communication digitaux (dont son site internet et sa newsletter). Ces contenus pourront également être médiatisables sur les canaux numériques (Instagram, Facebook, Youtube, …). Cependant, la Marque est tenue de s’abstenir de concevoir tout montage qui présenterait le Cédant dans une situation déshonorante ou dévalorisante pour lui.
La présente cession est valable pendant une durée de 1 an à compter de sa première diffusion. Étant donné le caractère mondial d’internet et des réseaux sociaux, cette cession est valable pour tous pays. »
Avec ce modèle d’article de cession de droit, la marque connaît le périmètre de la cession de droit (elle peut l’adapter à sa guise) et l’influenceur connaît ce à quoi il s’engage quand il postule.
« Au-delà des règles déontologiques adoptées par les professionnels au sein de l’ARPP et que nous nous nous efforçons d’appliquer au quotidien pour les contenus sponsorisés (cf infographie des bonnes pratiques), le premier principe de loyauté dans la publicité est le respect de l’ensemble des normes, de la réglementation et du droit positif en général, notamment celui du droit à l’image des influenceurs », déclare Mohamed Mansouri, directeur délégué de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP).
Bref, marques et influenceurs, il est essentiel de bien gérer la cession de vos droits pour éviter tout risque juridique. On espère que cet article vous aura donné quelques bonnes pratiques à suivre.
L’auteur:
Diplômé de HEC, il a travaillé 10 ans en tant qu’expert marketing chez Capgemini Consulting. Il a été directeur Marketing de Mappy. Il a fondé de nombreuses start-up (confidentielles.com, gamoniac.fr,…). Il anime régulièrement des conférences et publie des articles sur le marketing d’influence ou dans des ouvrages spécialisés (« Le marketing des start-up » chez Eyrolles).
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