Instagram. Une bonne nouvelle pour les entreprises… mais pas vraiment pour les créateurs de contenu. Au début du mois de juin, Instagram a présenté une nouvelle fonctionnalité pour promouvoir du contenu de marque: branded content ads. L’influenceur peut autoriser la marque avec qui il collabore à utiliser son contenu sous forme de publicité. L’image ou la vidéo peut ainsi apparaître dans le fil d’actualité ou en storie sous forme de contenus sponsorisés.
Cet outil est une aubaine pour les entreprises. Elles peuvent élargir leur audience en plus d’avoir touché celle de l’instagrameur avec qui elle collabore et la sienne. Mais est-ce que les influenceurs y trouvent un intérêt? La rédaction de Les Gens d’Internet a posé la question à l’avocat Stéphane Bellec du cabinet d’affaires indépendant De Baecque Faure Bellec.
Avec le nouvel outil Instagram, « Branded Content Ads », quels sont les problèmes à venir que vous déjà avez pu identifier en matière de droit?
Jusqu’ici, l’influenceur crée un post qu’il partage uniquement auprès de sa communauté, même s’il s’agit d’un post sponsorisé par une marque. Il est responsable du contenu produit comme de ses prises de positions.
Avec le « branded content ads », Instagram offre aux marques la possibilité d’exploiter le contenu créé par l’influenceur comme un véritable message publicitaire partagé à tout public ciblé par l’entreprise. Potentiellement cela touche plus de monde et surtout cela change de nature en devenant pleinement une publicité. Quelle est la chaîne de responsabilité? Un tiers se retournera d’abord contre la marque qui devrait pouvoir se retourner contre l’influenceur, créateur du contenu.
Le travail de l’influenceur peut-il être assimilé à une agence de publicité?
Lorsqu’une marque crée un post ou une vidéo publicitaire, elle le fait en interne ou avec son agence de publicité ou de communication… Ces professionnels sont formés aux réglementations applicables, notamment en matière de concurrence déloyale et dénigrement des produits d’un concurrent, publicité mensongère, voire contrefaçon (notamment en utilisant les oeuvres d’un tiers ou une marque sans autorisation).
Imaginons une vidéo instagram avec une musique. L’auteur de la chanson doit avoir donné son autorisation. Imaginons une photo sur Instagram avec une statue ou un monument protégé à côté du sujet principal. Ces situations se rencontrent très souvent, même avec des créations réalisées par des professionnels. Par exemple, une agence de communication a déjà été condamnée pour ne pas avoir respectée la durée et l’étendue des droits cédés par le photographe engagé (Cour d’appel de Paris, 7 avril 2015). Donc le risque est aggravé pour des influenceurs par définition non-professionnels.
Dans le cas d’une annonce créée par une agence de publicité, la marque annonceur peut se retourner contre elle en cas de problème puisqu’elle doit vendre une prestation conforme. Ici, même si la marque se retourne contre l’influenceur, la capacité financière à absorber un contentieux fera sans doute défaut. En droit, la marque pourrait se retourner contre l’influenceur. Dans les faits, c’est la marque qui assumera financièrement un procès mais la carrière de l’influenceur sera évidemment ternie.
Qu’est-ce qu’un influenceur doit avoir en tête lorsqu’il active cette fonctionnalité?
Tout influenceur doit avoir en tête les règles de droit de base: respect des personnes, respect des droits antérieurs (image, son, marque), respect du droit à l’image, respect des droits moraux des auteurs.
L’auteur d’une œuvre de l’esprit est titulaire d’un monopole pour la reproduction et la représentation de son œuvre (article L. 122-1 et suivants du CPI).
Prendre un selfie avec un tiers, même célèbre, nécessite une autorisation pour le publier (le fameux selfie du danseur Brahim Zaibat avec Jean-Marie Le Pen endormi dans l’avion a été considéré comme une atteinte à la vie privée et au droit à l’image. L’auteur a été condamné à retirer la photo et à 3000 euros de dommages et intérêts par la cour d’appel de Paris en juillet 2017).
Enfin, si l’influenceur fait un selfie avec le produit de la marque et cède ses droits sur cette photo en autorisant l’entreprise à l’exploiter pour une publicité sur Instagram, quelle est l’étendue de cette cession (France ou le monde entier)? Est-ce limité à Instagram ou la marque peut-elle l’utiliser sur son site? Pour quelle durée? Toutes ces questions ne semblent pas réglées dans les conditions générales du « branded content ads ».
Selon vous, le réseau social devrait-il mettre en garde le créateur de contenu sur les dangers que cela peut engendrer lorsqu’il actionne cette option?
Instagram devrait clairement annoncer les chaînes de responsabilité. Les conditions générales d’Instagram précisent que toute personne est responsable de ce qu’elle publie et que le contenu ne doit pas enfreindre « les droits de propriété intellectuelle d’une autre partie, notamment les marques de commerce ». Ou encore « Respectez l’intégralité des lois et réglementations en vigueur, notamment en veillant à fournir à toutes les personnes qui utilisent Facebook ou Instagram les informations nécessaires, telles que celles indiquant la nature commerciale du contenu que vous publiez. »
Concernant la publicité, les dispositions sont tout aussi générales: « Les publicités ne doivent pas inclure de contenu pouvant porter atteinte ou enfreindre les droits de tiers, tels que droits d’auteur, marque, vie privée, image publique ou autres droits ».
Ces recommandations sont très vagues et ne permettent pas forcément à un particulier comme un influenceur, peu au fait de ces problématiques, de connaître en détail les usages adéquats.
Précisons également que toute personne peut facilement signaler à Instagram un contenu illicite pour que le réseau le retire; qu’en est-il réellement des publicités?
Quels sont les risques lorsqu’une personne utilise une image non libre de droit? Et en cas de contrefaçon?
Toute utilisation d’une image non libre de droit sans autorisation constitue un acte de contrefaçon. Même en achetant les droits sur un visuel, l’utilisateur doit procéder à des vérifications concernant l’exploitation du visuel: possibilité de modifier l’image, conditions d’exploitation (à usage privé, public, commercial, publicitaire), sans oublier le droit à la paternité de l’auteur (citer le photographe).
On sait déjà qu’Instagram se bat contre les visuels de produits contrefaits particulièrement dans les stories (50000 comptes identifiés en 2017). La disparition après 24h pose un problème de preuve et d’interception et l’ajout de la fonction d’achat direct sur Instagram aggrave cet enjeu de contrefaçon.
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