Instagram. Ouvrir les yeux. « All The Same Kind » est un compte Instagram qui partage des photos d’influenceuses qui se ressemblent. Robes fleuries, chapeaux de paille, sacs rond… en réalisant ses collages, la créatrice souhaite montrer que le monde de l’influence n’est que du marketing.
Pour comprendre un peu son raisonnement et l’objectif de son compte Instagram, je lui ai posée quelques questions.
- Comment t’est venue l’idée de ce compte Instagram ?
Comment m’est venue l’idée de All The Same Kind… Effectivement, c’est une question qui est beaucoup posée. Il y a eu une vague d’article l’an passé, notifiant qu’Instagram est le réseau social le plus dangereux pour la santé mentale des jeunes.
J’ai voulu comprendre pourquoi, car je ne le voyais pas du tout ainsi dans ma bulle privée. Et j’ai commencé à comprendre, petit à petit et au fur et à mesure que je m’abonnais à des comptes d’influenceuses françaises, des dérives que cela pouvait occasionner.
- Quel est ton objectif avec ce compte ?
Je dirais une dénonciation de ce système et surtout de la sensibilisation. Je reçois des dizaines de messages en ce sens, de jeunes filles de femmes même, qui ne se doutaient pas de ce qu’il se cachait derrière: les partenariats, souvent cachés, les «gimmicks» ces photos identiques d’une influenceuse à l’autre, la surenchère… Des messages d’influenceuses repenties qui dépensaient des sommes folles pour être socialement acceptées sur ce réseau. Ces catégories d’influenceuses sont devenues les normes: des normes fantasmées que l’on vend comme un idéal de vie.
De part ma profession, en veille permanente, j’ai pu lire un mémoire l’an passé, celui de Sarah Marchand, qui est criant de vérité sur la construction identitaire des utilisateurs de l’application. Pour la paraphraser, le message est clair: nous sommes en train d’anormer le normal. Les jeunes filles qui parcourent chaque jours Instagram se retrouvent confrontées à ces clichés, acceptés et likés de tous, qu’elles vont petit à petit intégré. C’est une nouvelle forme de dictature consentie.
Les marques, les «influenceuses» participent à ces nouveaux diktats, c’est pourquoi il est important qu’il y ait un meilleur encadrement des partenariats et des «cadeaux» -qui n’en sont pas réellement puisque « en échange de»- envoyés par les marques. Une sorte de «content warning» serait important, tout comme dans la presse où il est obligatoirement indiqué qu’il s’agit d’un publi-communiqué.
- Quel est le message que tu souhaites faire passer ?
On voit une génération d’adolescentes qui, il y a quelques années avec la télé-réalité, souhaitait devenir des «stars» de manière insouciante, sans avoir un quelconque talent, nous avons désormais une génération d’IGettes adolescentes (contraction d’Instagramettes – utilisatrices du réseau) qui ne veulent devenir plus être blogueuses mais «instagrameuses» pour recevoir des cadeaux, afin de copier leurs aînés. C’est exactement le même principe. Sauf qu’Instagram est un miroir déformant. Elles y exposent seulement leur mal-être qu’elles comblent par une revalorisation narcissique à coup de like et followers reçus.
On pense ce réseau social sain parce qu’on veut nous montrer des choses saines, du beau, du positif, ce que prônent toutes les influenceuses avec une injonction au bonheur et à la bienveillance en prime, mais n’oublions pas qu’il n’est qu’un outil marketing stratégique supplémentaire pour les marques.
- Comment ces marques et influenceuses poussent-elles à l’achat ?
On leur a soufflé à l’oreille (ou aux yeux) toutes la journée. Dès qu’elles vont sur Instagram, on commence à les conditionner en programmant leur inconscient. Elles ont vu la paire d’espadrilles toute la journée. Sur Instagram, par des influenceuses, par la marque, par des publications sponsorisées. On a chargé le feed de ces followers. Elles regardent Instagram et il y a des stimuli partout. Elles ne les voient pas forcément… mais leurs cerveaux, si.
Impossible d’y échapper. Il y a des suggestions partout. Elles n’en ont pas forcément conscience, pas forcément envie sur l’instant, mais elles impriment tout. Alors quand elles ont une envie irrépressible de chaussures pour cet été, c’est comme si une petite voix venait leur souffler depuis leur inconscient qu’il faut qu’elles aient absolument cette paire d’espadrilles.
Elles croient que c’est leur style, que c’est ce qu’elles aiment vraiment alors même qu’elles n’en ont même jamais porté de leurs vies et qu’elles n’y aurait jamais pensé si cela ne leur avait été soufflé. Et… elles les choisissent.
***
Édit du vendredi 13 juillet : le compte Instagram a été supprimé.
Édit du 20 mars: le compte est de nouveau disponible.
Suis-moi sur Twitter / Instagram